Ce plaidoyer pour une clarification des mots employés pour qualifier des attentats commis au risque de la vie est utile pour comprendre les comportements terroristes et distinguer plus clairement les victimes de leurs bourreaux. La confusion actuelle participe de l’insécurité ambiante.
Terrorisme : les mots ont un sens
Terrorism: words matter
This plea for clarification of the words used to describe terrorist attacks is useful in order to understand terrorists’ behaviour and to distinguish more clearly the victims from their killers. The current confusion contributes to a general insecurity.
Pour désigner les terroristes-suicide, il est d’usage, tant dans la presse que dans certains travaux universitaires, d’employer indifféremment des termes qui peuvent prêter à confusion. Bien qu’en général non voulu, ce manque de précision participe à la déstabilisation de l’opinion publique. Les vocables « martyr », « kamikaze », « shahîd » ou « Black Tiger » ont pourtant des définitions précises et relèvent de cultures spécifiques. Leurs significations sont fondamentalement différentes et ne sauraient être confondues sans commettre de contresens et accroître un sentiment d’inquiétude suscité par l’incompréhension. Cet amalgame d’actes différents, regroupés artificiellement et associés à la crainte véhiculée par l’imaginaire populaire, augmente le sentiment de vulnérabilité et fait le jeu des terroristes.
Le 31 octobre 2010, la cathédrale syriaque catholique de Bagdad est attaquée par un groupe de très jeunes islamistes armés, porteurs de ceintures d’explosifs. Ces agresseurs sont en général qualifiés par la presse de « kamikazes », qui meurent « en martyrs ». Qui peut-on qualifier de martyr dans ce cas ? Les quarante-quatre fidèles et les deux prêtres chrétiens qui ont été tués alors qu’ils étaient rassemblés pour prier ? Ou bien les assaillants qui, après avoir abattu systématiquement et indifféremment, hommes, femmes et enfants, se sont fait sauter au moment de l’assaut des forces de sécurité pour emporter quelques survivants dans la mort ? Pour avoir un discours clair, utilisons le vocable « shahîd » pour désigner les islamistes qui effectuent des attentats-suicide.
Le « terrorisme suicide », bien qu’il s’agisse d’un néologisme, n’est pas un phénomène nouveau dans l’histoire. Le plus connu des exemples d’un groupe de personnes souhaitant mourir en accomplissant un assassinat est sans doute celui des Nizârites, que les Chrétiens appelaient Assassins, et qui agissaient au Moyen-Orient du XIe au XIIe siècle. Il s’agit d’une secte ismaélienne, une des écoles chiites, fondée par Hasan-i Sabbâh en 1090. Depuis le château d’Alamût situé au cœur de la chaîne de l’Elbourz, il envoyait ses membres qui, au prix de leur vie, effectuaient des meurtres politiques de hauts personnages. Ils ciblaient tous ceux qui leur étaient hostiles, tant chrétiens que sunnites. Ces attentats-suicide perpétrés en public feront connaître et craindre la secte bien au-delà de l’Islam et du Moyen-Âge. Les adeptes du mouvement étaient appelés fidâ’i, vocable souvent francisé en fedayin, terme arabe désignant « celui qui donne sa vie pour un autre ».
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