Il n’est pas simple de décrire le modèle d’armée de la Chine ni d’évaluer la valeur de sa technologie militaire. La dimension maritime de son ambition stratégique est cependant de plus en plus affirmée et l’obsession des porte-avions y tient une large place. Pourtant la posture stratégique chinoise reste tentée par les effets asymétriques dans des secteurs non militaires. Tel est le constat nuancé que fait l’auteur expert de ce domaine.
Chine : nouvelles ambitions et vieilles menaces
China: new ambitions and old threats
China’s armed forces and the level of their technology are not easy to categorize. The maritime dimension of China’s strategic ambitions is increasingly evident however, and a preoccupation with aircraft carriers forms a large part of it. The author is an expert in this field and assesses that the Chinese strategic posture remains coloured by unequal results in non-military sectors.
On parle beaucoup des nouvelles velléités de la Chine, tant en direction du Pacifique qu’en mer de Chine du Sud.
Pour y réfléchir, il faut se souvenir que l’Armée populaire de Libération (l’APL) accomplit, avant tout, des missions permanentes spécifiques. La première est d’être l’instrument du Parti, y compris à l’intérieur du pays. Après Tiananmen, la Police armée a été réformée de fond en comble, en grande partie par le transfert de militaires en son sein. Toutefois, l’APL demeure directement concernée par l’action intérieure, en particulier dans les provinces autonomes pouvant poser des problèmes sécessionnistes (Tibet, Xinjiang, Mongolie intérieure). La seconde est la nécessité d’entretenir une capacité de reconquête par la force de Taïwan, si cela était jugé nécessaire. Les missiles qui visent l’île sont bien visibles et préoccupants mais les capacités qui seraient nécessaires à un éventuel débarquement vont bien au-delà. La troisième et dernière mission relève de l’environnement terrestre direct ou indirect du pays. La Chine ne compte pas moins de quatorze pays limitrophes le long de ses 22 000 kilomètres de frontières terrestres. Parmi eux, un seul ami d’importance, le Pakistan, mais aucun allié et au contraire quelques pays ayant de solides contentieux avec Pékin, sans compter de vrais problèmes frontaliers. Ces missions de base consomment énormément de moyens.
L’ambition maritime est une donnée récente
La Chine n’a pas de tradition militaire dans ce domaine. Elle n’a longtemps connu que la navigation côtière et le seul « grand » explorateur chinois, Zheng He, était un eunuque musulman, fait amiral avant d’avoir jamais navigué et qui se limita à des expéditions essentiellement côtières. Pourtant, la Chine revendique, entre autres, l’invention de la boussole, du gouvernail d’étambot et des connaissances astronomiques avancées. Ces inventions, qui auraient pu être exploitées et donner lieu à d’importants développements, ne l’ont jamais été réellement. Il a fallu attendre les années 70 pour que les militaires chinois se préoccupent de la mer et comprennent qu’il fallait aussi se préparer à y montrer sa force. Liu Huaqing (1916-2011), qui, comme Zheng He, fut amiral avant d’être marin, est le symbole de cette prise en compte. C’est quand il en était le commandant que, en 1985, la Marine chinoise a abandonné le concept de défense côtière pour passer à celui d’une « défense au large », nettement plus dynamique.
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