Forces spéciales, l’avenir de la guerre ?
Forces spéciales, l’avenir de la guerre ?
Que le lecteur ne s’attende pas au récit détaillé d’équipées héroïques. S’il arrive à l’auteur, expert reconnu en la matière, d’évoquer à titre d’exemple des opérations réussies ou non, dont certaines sont restées célèbres, il offre plutôt un véritable cours sur l’histoire de ces unités mythiques que sont les « forces spéciales », leurs caractéristiques, leurs modes d’action et leur place dans l’appareil diplomatique et guerrier des États.
Au départ existe un problème « de définitions et de limites » dont la solution est loin d’être évidente et qui parcourt l’ensemble du livre. Que sont, et surtout que ne sont pas, ces forces spéciales ? Formations militaires, elles se distinguent, moyennant bien des rivalités, des services secrets et de l’espionnage traditionnel. Plus nette dans le principe mais difficile dans l’application, est la frontière avec les forces armées classiques et ceci pour deux raisons : d’une part, la concurrence avec les troupes d’élite comme les parachutistes et les divers « commandos » ; d’autre part, la fréquente réticence de la haute hiérarchie étoilée face à la mise à l’écart des règles traditionnelles. Il en résulte des cas d’emploi inadapté ou des redondances (Ouvéa).
Après une récapitulation historique qui permet de s’approprier Ulysse, Hannibal et du Guesclin (sans oublier l’inusable Sun Ze !) et de déboucher sur Lawrence d’Arabie, sont passés en revue les quelques pays détenant une expérience dans ce domaine à une époque plus récente. L’ex-URSS mettait en ligne ses fameux Spetsnaz, efficaces en Afghanistan et capables de reconnaître benoîtement le terrain de leurs futurs mauvais coups à l’occasion de rencontres sportives ou de tournées touristiques ; nos amis et voisins britanniques, créateurs des SAS, parrainés par des personnages comme Churchill et Wingate, atteignent (notamment dans le domaine nautique) un niveau d’excellence provenant en partie – nous dit-on – de leur caractère insulaire et de leur non-conformisme ; les Américains sont partis tardivement avec la Seconde Guerre mondiale, puis la création de la CIA et le réveil sonné par Reagan en enregistrant plus d’une fois des résultats décevants (Baie des Cochons, Eagle Caw) malgré l’engagement de moyens financiers et matériels considérables ; nous autres Français, héritiers d’une longue pratique mais déséquilibrés par l’occupation puis la Libération, avons connu les exploits indochinois du GCMA et la création du COS mais n’évitons pas toujours une certaine confusion, tandis que « le régime des 35 heures réduit significativement la disponibilité » (sic !). Restent, pour être complet, le souvenir de Skorzeny, le talent subaquatique des Italiens et bien entendu, pour la période actuelle, les unités spéciales de Tsahal (dont la plupart des dirigeants politiques d’Israël sont issus) et le succès mémorable d’Entebbe.
On s’attardera volontiers sur les deux derniers chapitres consacrés au rôle, à l’organisation et à l’entraînement des forces spéciales. Celles-ci doivent être actionnées depuis le « plus haut niveau » tout en évitant de le compromettre. Les objectifs seront plutôt stratégiques que tactiques. De volume forcément réduit, constituées de personnes particulièrement formées après une sélection sévère, libérées au maximum des contraintes réglementaires et juridiques, ces unités atypiques ne sauraient à l’évidence être improvisées. Selon Éric Denécé, il ne s’agit pas seulement d’une mode mais d’une forme d’avenir ainsi que le suggère le titre de l’ouvrage.
Notons enfin qu’il s’agit d’une réédition. Après une décennie de décalage, les interrogations sur le sort à réserver à Saddam Hussein ou le coup de clairon optimiste sur les débuts de l’affaire afghane ne sont plus de mise. Mais le chaos mondial actuel succédant à la belle ordonnance du temps de la guerre froide laisse envisager un bel avenir pour les forces spéciales. ♦