Editorial
Éditorial
L’année stratégique 2011 va se terminer pour les hommes et femmes de la défense avec la satisfaction professionnelle d’avoir fait face tant bien que mal aux nombreuses exigences requises par les engagements opérationnels de la France. Morts et blessés en resteront les héros souvent méconnus mais pas oubliés par une communauté de défense qui resserre aujourd’hui ses rangs. Adaptations logistiques, équipements réalisés pour des besoins immédiats, organisations artisanales et tactiques évolutives ont été les réponses pragmatiques apportées à l’urgence opérationnelle. La machine de défense de la France, en pleine réorganisation, a pu répondre présent aux besoins militaires du pays.
Pourtant la crise systémique qui occupe le devant de la scène semble avoir maintenant des effets pervers sur la défense et la sécurité. Chacun s’inquiète de ses conséquences sur la posture militaire du pays. Quelles ressources pourra-t-on continuer à consacrer à cette mission centrale de l’État ? Faudra-t-il modifier le périmètre de nos responsabilités militaires ? Devra-t-on faire une énième contraction structurelle ? Voire un nouvel arbitrage entre protection sociale et protection sécuritaire. C’est dans l’expectative que cette année se termine.
Notre cadre stratégique se dégrade également comme le montrent les incertitudes dans lesquelles se débattent nos partenaires de l’eurozone et l’ambiance prérévolutionnaire qui agite nos voisins arabo-méditerranéens. Faut-il prioritairement renforcer la garde à la veille de troubles socio-économiques désormais inévitables dans l’espace eurasiatique ou au contraire doit-on appliquer la rigueur à la mission défense comme aux autres secteurs de responsabilité de l’État pour renforcer sa liberté d’action globale ? C’est la question implicitement posée aux responsables politiques qui briguent les suffrages des Français en 2012. Chacun voit bien que la réponse est difficile à apporter et que le choix tendanciel sera une nouvelle cure conservatoire d’austérité budgétaire, homothétique comme toujours depuis près de vingt ans, mais sans nouveau contrat de sécurité adapté aux enjeux actuels, faute de cadre lisible.
Nous sommes aussi confrontés à la complexité des temps actuels sous d’autres formes, celle que révèlent les découvertes scientifiques dont le rythme s’accélère, dans le domaine des sciences de la matière, des disciplines cognitives comme dans celui des sciences de la vie. La technique peine à suivre la science comme on l’a vu à Fukushima. Quel impact sur nos vulnérabilités, nos projets, nos priorités ? Il y a surtout cette question de la prévisibilité économique, celle qui établit la confiance, qui ne s’accommode pas de l’insécurité financière. C’est d’abord celle-ci qui est la cause des fortes tensions stratégiques. C’est cette insécurité financière qui redistribue la puissance sur la planète, met à l’épreuve les solidarités régionales et favorise les actions corrompues et criminelles qui minent et discréditent les États.
L’année 2011, financièrement troublée, pourrait finalement marquer un tournant important dans les questions de défense et de sécurité comme dans les questions européennes et méditerranéennes. Débattons-en. À bientôt, en 2012. ♦