L’échec du système monétaire international issu de la décomposition du système dit de Bretton Woods éclate au grand jour : crises économiques, guerres monétaires, prédations commerciales, délits systémiques. Les stratégies qui tentent de s’en accommoder sont-elles soutenables ?
L’insoutenable légèreté de la globalisation financière
The unsustainable frivolity of globalized finance
The failure of the international monetary system which emerged from the breaking down of the Bretton Woods Agreements has been sudden: the symptoms have been economic crises, monetary wars and predatory commerce. Are the strategies which attempt to adapt to this situation themselves sustainable?
Les accords de Bretton Woods sur l’organisation du Système monétaire international (SMI) ont cherché à éviter les erreurs des lendemains de la Première Guerre mondiale qui ont précipité la crise des années 30. Le SMI fondé sur le dollar, avec une référence fixe à l’or, ne s’appliqua que quelques années. Sous la pression des dépenses américaines des guerres de Corée et du Vietnam, la parité du dollar en or se relâcha et fut abandonnée de facto en 1971. Le flottement libre du dollar, monnaie de référence internationale, augmentait la liberté d’action du gouvernement américain. Celle-ci serait proportionnelle à l’hégémonie du dollar dans le monde des échanges. Plus la sphère du dollar et son marché financier de référence captaient des acteurs et des capitaux, plus la liberté d’action monétaire des États-Unis s’affirmait.
C’est dans cette logique, que doit être appréhendée la volonté de propager la convention financière (1) à un maximum de pays, elle contribuait à fixer l’hégémonie du dollar. La globalisation financière « inéluctable », présentée comme le gage d’efficacité du système global allait normer la finance mondiale. Théoriciens, économistes, praticiens firent converger leurs efforts et leurs intérêts dans cette opération de marketing pour que fleurissent déréglementations et libéralisations. Elles ont culminé avec l’abandon symbolique du Glass Steagall Act en 1999 (2), sous la pression de L. Summers. Le processus mondial de transition financière fut ainsi instrumentalisé pour maximiser la liberté d’action monétaire des États-Unis. L’idéologie se propagea ensuite, des réformes des pays de l’Est aux libéralisations financières en Asie et en Amérique du Sud, transformant les systèmes financiers de chacun des pays en une zone de fragilités structurelles inavouées. Elles procédaient de la perte de cohérence entre les comportements et les fonctionnements des acteurs financiers et les économies réelles des pays en question. J.-M. Keynes, représentant la Grande-Bretagne à la conférence de Bretton Woods, mourut en tentant de convaincre ses homologues de ces dangers.
Un paradoxe certes à déplorer, est que la construction de la zone euro, qui originellement aurait pu fournir une alternative à l’ordre unipolaire du dollar, fut très vite rattrapée par le carcan de la finance et instrumentalisée par cette idéologie. Ses faiblesses servent à présent de dérivatif (soupape de sécurité) à la colère des marchés qui pourraient s’en prendre aux excès de leur propre maître… La mise en forme institutionnelle du Traité de Maastricht se conforma avec zèle au dogme de la convention financière. L’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) poussée à son comble permettrait de rassurer les marchés.
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