Le Tibet est aujourd’hui pour la Chine un espace autonome qui compte à la fois tant pour des raisons géostratégiques, comme château d’eau et gisement minier de l’Asie du Sud, que symboliques car inclu dans l’aire chinoise depuis toujours, il ne peut s’en différencier sans provoquer d’autres fissures dans l’édifice. Ainsi l’auteur explique l’intransigeance chinoise à l’égard de toute forme de sécession.
Le Tibet : quels enjeux pour la Chine ?
Tibet: what is at stake for China?
Tibet is today considered by China as an autonomous geostrategic space. There are many reasons why China could never relax its long-time grip on Tibet without running the risk of provoking further fissures in the State: among them are Tibet’s role as the fresh water supply of South Asia, and its mineral resources. The author explains Chinese intransigence when it is faced with the idea of any form of secession.
La situation dans la province du Tibet est l’une des principales préoccupations des dirigeants chinois. Les violentes émeutes qui secouent régulièrement la région autonome du Tibet (particulièrement en mars 2008), témoignent de l’échec de la politique d’assimilation voulue par Pékin. Depuis l’intervention militaire de la Chine au Tibet en octobre 1950, le peuple tibétain tente de préserver sa culture et sa religion, pour ne pas devenir comme d’autres minorités du pays, une curiosité folklorique (1). L’élection en avril 2011 de Lobsang Sangay à la tête du gouvernement tibétain en exil, marque une étape importante dans le combat que mène ce peuple. La succession politique du dalaï-lama est maintenant moins incertaine. Depuis 2001, le gouvernement tibétain en exil est dirigé par un Premier ministre élu, qui agit sous l’autorité du dalaï-lama. En mars 2011, le dalaï-lama, âgé de 76 ans a annoncé renoncer à ce rôle de chef politique des Tibétains, pour se consacrer uniquement à ses fonctions spirituelles. Né en Inde en 1968, Lobsang Sangay n’a jamais foulé le sol du territoire tibétain, que ses parents ont dû fuir en 1959. Il s’est engagé très tôt dans l’action politique, en parallèle de ses études menées en Inde et aux États-Unis (couronnées par la soutenance d’une thèse de doctorat en droit à Harvard). Sa participation au Congrès de la jeunesse tibétaine (une ONG qui défend la culture tibétaine) lui vaut d’être qualifié de « terroriste » en Chine. En avril 2011, il a été élu au poste de Premier ministre du gouvernement tibétain en exil, en recueillant 55 % des suffrages des électeurs tibétains vivant en dehors de la Chine populaire. L’Administration centrale tibétaine (ACT) a été instituée en 1959 et désigne le gouvernement indépendant du Tibet en exil.
Le Tibet : quatre enjeux pour la Chine
Si la Chine justifie l’occupation du Tibet en 1950 par des arguments historiques, son intransigeance s’explique surtout par l’intérêt stratégique du plateau tibétain.
La Chine contrôle une grande partie des sources d’eau de l’Asie grâce à sa présence au Tibet, une région souvent comparée à un véritable château d’eau. Les principaux fleuves d’Asie prennent leur source au Tibet, tels le Brahmapoutre, le Salouen et l’Indus ou le traversent comme le Mékong et le Yang Tsé. Ces fleuves irriguent les régions agricoles non seulement de la Chine mais également des États situés en aval comme l’Inde, le Myanmar, le Vietnam et le Bangladesh. Le Tibet représente un réservoir d’eau de premier plan pour l’Asie puisque chaque année près de 600 km3 d’eau douce s’écoulent vers les pays limitrophes (les eaux des fleuves du Tibet s’écoulent principalement en direction de l’Inde, à hauteur de 58 %, de la Birmanie, 16 %, et du Laos, 12 %). Ce contrôle des ressources en eau provoque des inquiétudes des États situés en aval puisque la Chine, par le biais de construction d’ouvrages hydrauliques, est tentée de mieux maîtriser à son profit, le débit des fleuves de cette région. Et l’accroissement de la population en Asie du Sud-Est entraîne une augmentation régulière de la consommation en eau (entre 2005 et 2025, la population du Vietnam devrait passer de 85 à 105 millions et celle du Cambodge de 14 à 20 millions). C’est une ressource indispensable pour l’agriculture, qui fait vivre plus de la moitié de la population au Cambodge comme au Vietnam. Le contrôle du Tibet constitue un atout politique décisif : les populations vivant en aval du Mékong souffrent déjà d’une diminution du volume des eaux et de la raréfaction des ressources halieutiques comme le poisson-chat géant (la Chine nie toute responsabilité dans cette situation). Ces fleuves représentent aussi une ressource énergétique appréciable pour la Chine, puisqu’ils permettent le fonctionnement des centrales hydroélectriques (qui couvrent 6 % de la consommation d’énergie du pays). Il est donc essentiel de s’assurer un débit régulier de l’écoulement de l’eau.
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