La tyrannie de la faiblesse. La féminisation du monde ou l’éclipse du guerrier
La tyrannie de la faiblesse. La féminisation du monde ou l’éclipse du guerrier
Paul-François Paoli ne manque pas de toupet. Pensez donc, mettre en question l’égalité des sexes, évolution moderne que l’on considère comme un grand pas vers le bien de l’humanité ! Or ce changement-là, fût-il circonscrit à l’Occident, est une révolution à nulle autre pareille et dont on se garde bien d’observer les méfaits.
C’est le progrès, dit-on. Prudent tout de même, l’auteur dit ne point défendre une thèse, mais proposer une hypothèse, laquelle peut se formuler ainsi : il n’y a aucune supériorité d’un sexe sur l’autre mais des aspirations distinctes et sexuées ; à l’homme la puissance, intellectuelle comme physique, à la femme l’affectivité et la transmission de la vie. Ainsi en allait-il, ainsi ne va-t-il plus. Le « pouvoir biologique », exercé autrefois par les hommes, l’est aujourd’hui par les femmes, avec le concours de M. Neuwirth et de Mme Veil. De ce transfert de pouvoir, augmenté de l’exaltation de la faiblesse, résulte la féminisation de nos sociétés et résultera peut-être leur disparition. Le pouvoir biologique permet aux femmes de décider de l’existence, ou non, d’un nouvel être, il les fait aussi maîtresses de la vie ou de la mort des nations.
Le point le plus important de la « démonstration » et qui mettra les féministes en rage, est le primat masculin sur le logos, soit la sagesse, sa recherche et son expression. L’auteur insiste : pas de trouvaille intellectuelle majeure qui ne soit l’œuvre d’un homme. Telle était, en effet, la vision des Grecs, telle celle des Chrétiens. On a fait et refait là-dessus le procès de Saint-Paul. C’est à tort et à raison. À tort, puisqu’il a consacré l’égale dignité des deux sexes devant leur Créateur, ce qui, à l’époque, était une belle audace. À raison, puisque Paul reprend dans son enseignement la tradition patriarcale biblique. Quoi qu’il en soit, le Moyen-Âge chrétien fut plus viril qu’aucun autre. On y combattait sans haine (thème superbement repris par Péguy dans son Mystère de la charité de Jeanne d’Arc) mais on combattait. La féminisation de nos mœurs a changé tout cela et l’Église moderne suit le train. L’accaparement masculin du logos est dénoncé. C’est au moment où le logos lui-même est en perdition et devient objet de haine : rien ne fait plus sens. Ce nihilisme scientifique est l’aboutissement d’un excès de logique. L’auteur cite Nietzsche : « Que peut bien valoir une vérité qui peut être démontrée ? ». Le logos ainsi dévalorisé, que reste-t-il, « la vie » toute nue, la vie femme. Hélas, la vie moderne, offerte chaque jour à nos regards, est une obscénité.
La politique, plus concrète, nous reposera du logos. L’homme a plus à y perdre. La mort de la guerre, qui doit beaucoup à la féminisation de nos mœurs, c’est celle du guerrier : « l’homme européen a cessé d’être un combattant ». Et pas seulement pour courir aux frontières. Il pourrait trouver l’occasion d’exercer un courage sans objet face à la délinquance urbaine. En Amérique, cela se fait. À Paris, devant une bagarre de métro, notre homme détourne les yeux. Interrogation pertinente, à défaut d’être vraisemblable : « l’homme boboïsé de nos grandes cités serait-il à même d’affronter le moindre conflit violent ? On peut raisonnablement en douter ». Ainsi les féministes d’Occident « récoltent-elles ce qu’elles ont contribué à semer : l’immense débâcle du mâle occidental » (1). Pas fini, camarade, voici « les ruines d’Éros ».
Le désir n’est pas démocratique. Celui de l’homme est autre que celui de la femme. L’homme était le maître du jeu, lequel est un jeu de dominateur à dominé, quitte à ce que le dominateur, pour parvenir à ses fins, joue l’amour courtois. Les femmes contestent désormais cette maîtrise. Elles font de leur corps ce qu’elles entendent. Elles imposent « l’amour discourtois ». Gardiennes des valeurs traditionnelles, elles les bousculent. L’autorité du père est illégale. À la naissance désirée « sans raison » se substitue la naissance projet. L’homme était seul volage, les mères se réjouissaient (discrètement) des prouesses de leurs jeunes coqs. Elles sont maintenant aussi volages que leurs maris. Plus moral, ce naturel, que l’hypocrisie ancienne ? Voire : « L’éthique d’Éros est que nous sommes sauvés par celle ou celui qui nous arrache à un face-à-face mortifère avec nous-mêmes. Mais cette libération a un prix, un sacrifice partiel de notre liberté », autant dire, pour les modernes, un scandale. L’Islam, inscrit dans notre paysage, ne pouvait échapper à l’auteur. Les musulmans nous présentent le modèle d’une contre-révolution sexuelle dont on aurait souhaité qu’elle nous vînt de l’intérieur. Tant pis ! Nous pourrions, ex-chrétiens ou chrétiens timides, prendre notre graine de cette religion forte.
Concluons avec l’auteur. Il cite la célèbre bêtise aragonienne, « La femme est l’avenir de l’homme » et pour la contredire : « Être un homme, quoi de plus difficile ? ». Paul-François Paoli ne propose pas de solution au problème qu’il soulève. Peut-être n’y en a-t-il pas. Au moins son livre nous évitera-t-il de mourir idiots. ♦
(1) Caractéristique est ce trait rapporté par l’auteur : Simone de Beauvoir levant son verre pour saluer la chute de Diên Biên Phu.