La guerre ou la paix demain ?
La guerre ou la paix demain ?
Qui n’a pas griffonné sur des bouts de papier, hélas éternellement égarés, des bribes de mots destinés à soutenir une mémoire défaillante ou bien recueillir le fruit génial d’une nuit d’insomnie raisonneuse. Ne maudissez plus votre mémoire à éclipse ou votre incurable aversion au classement thématique, le dernier ouvrage de Philippe Moreau Defarges sur les relations internationales et la géopolitique est fait pour vous. La question titre, « la guerre ou la paix » trouve d’ailleurs sa réponse à la page 160, la dernière et à la ligne ultime : la paix demeurera un but lointain et fuyant. Rassuré sur la lucidité du rédacteur, chacun pourra entamer la lecture d’un ouvrage qui traite de 25 questions dites décisives et dont il serait impardonnable d’ignorer le contenu. Surtout si l’on aspire à devenir un jour l’heureux élève de l’auteur.
Le monde de 2009 est porté par cinq dynamiques majeures. L’évanouissement du monde communiste et la montée d’une grande partie des pays du sud, le déferlement de la modernité (individualisme, quête d’une vie meilleure) qui accouche d’identités bricolées et instables, une institutionnalisation multiforme et chaotique, des zones d’abcès et des demandes inépuisables d’égalité. Ces dernières appellent, comme dans le passé, des heurts, des combats, et même des révolutions à l’échelle planétaire. Leur maîtrise, bien aléatoire, supposerait une croissance forte, des mécanismes internationaux et des transferts de richesses considérables. Voilà qui promet.
Au chapitre Europe on lira, d’un œil attristé, son écrasement autant par le matérialisme américain que par les prolétariats africains et asiatiques. Depuis 1945 les deux blocs antagonistes ont retiré aux Européens le droit de faire la guerre et donc d’être agressifs. Quant à l’ours russe, avec une population pauvre, exténuée, il est nu. Il doit se métamorphoser sous peine de devenir une proie.
Le « Grand Moyen-Orient » est un baril de poudre planétaire. Les systèmes politiques tribaux qui gouvernent ses états sont heurtés de front par l’individualisme et l’égalité démocratique. S’ajoute l’islam et ses certitudes, l’endogamie et la place de la femme, enfin les humiliations toujours à vif. Si l’Asie peut se vanter de succès impressionnants, le Moyen-Orient n’a pour le moment aucun accomplissement incontestable à présenter. Le monde de 1914 n’est pas celui du XXIe siècle ; des freins, parfois invisibles, jouent pour éviter l’explosion et l’Iran nucléarisé sera inévitablement conduite à une extrême prudence.
L’importance des zones périphériques comme enjeu géopolitique est diverse et fluctuante. À la suite des attentats du 11 septembre 2001, l’Afghanistan redevient un champ de bataille majeur. L’Occident intervient militairement et se persuade que l’issue de « la guerre contre le terrorisme » se déciderait là. Rien n’exclut que si les troupes subissent trop de pertes, l’Occident opte pour un retrait et une surveillance à distance de la zone. Pour les insérer dans le système mondial il faut parvenir à leur offrir un développement minimum des institutions et que les populations soient réellement concernées. Ce qui reste loin d’être gagné.
On notera, avec reconnaissance, que la féminisation des relations internationales contribue certainement à la paix. Avec une perplexité raisonnable que la Chine a toujours été un colosse, et qu’après une longue éclipse elle le redevient. Et avec une sourde inquiétude devant l’avenir que la question de la survie est de moins en moins celle des entités politiques mais celle de l’humanité. Ce qui ne peut plus être partagé par la force doit être exploité et administré ensemble car la Terre est devenue un inexorable intérêt commun.
Enfin, l’évidente maestria de l’auteur sur les sujets les plus divers n’échappe pas à quelque aveuglement convenu, mais tellement politiquement correct en posant la seule question qui vaudrait dès que l’on aborde les États-Unis d’Amérique : puissance de paix ou de guerre. Et d’avancer l’évidente nécessité pour Washington de rentrer dans le rang. Trop riche, trop puissant, à la toise !! Comme s’il était d’usage, depuis que le monde est monde, que les puissants se châtrent pour complaire aux lamentations moralisantes ou pour rassurer les Puissances incertaines.
Depuis ses origines, l’humanité n’a qu’une priorité, survivre. La vie est conflit, mort et renaissance. Que serait une vraie paix, des hommes en uniformes sous la garde de big brother, un monde d’une richesse illimitée, une humanité soudain raisonnable. Tant que les hommes ne vivront que dans et par la comparaison, redisons que la paix demeurera un but lointain et fuyant. Merci à l’auteur de nous prévenir.