L’Europe des années 1970 : stabilité et conflits
L’analyste qui, en cette première moitié de 1970, jette un regard en arrière sur les relations Est-Ouest dans l’Europe des années 60 pour y chercher les perspectives de son évolution dans la décennie qui vient de s’ouvrir, ne saurait se défendre d’une certaine perplexité.
Il est clair que les années 60 ont été des années de transition — mais au fait, une transition entre quels éléments ? Entre la guerre froide des années 50 et une réconciliation Est-Ouest ou une réunification européenne, dont les initiatives françaises auraient été l’amorce et les négociations entamées par l’Allemagne d’une part, les États-Unis de l’autre, avec les pays communistes et en particulier l’U.R.S.S., seraient la consécration ? Entre, d’une part, le primat des grandes puissances, symbolisé d’abord au temps de Staline par le caractère rigide et militaire de la confrontation, ensuite sous Khrouchtchev et Kennedy par les grands desseins des deux Grands, et, d’autre part, l’initiative accrue des nations moyennes ou petites à l’intérieur des alliances menant, demain, à un retrait des leaders ou à une « dissolution des blocs » ? Entre une phase où les deux Grands pensaient avant tout à leur confrontation et à leur équilibre et une phase où d’autres préoccupations (prolifération nucléaire, Chine, difficultés intérieures) prendraient le dessus, ou au contraire une phase où les crises intérieures, selon les cas, de leurs alliés et de leurs alliances, ou de leurs satellites et de leurs sphères, les amèneraient à réaffirmer leur présence de manière pacifique ou violente, symétrique ou contrastée, conjointe ou rivale ? La perplexité vient précisément de ce que toutes ces directions possibles répondent à des tendances d’évolution qui se sont effectivement manifestées ces dernières années.
Sans doute la caractéristique majeure du système européen actuel, comme d’ailleurs du système international dans son ensemble, est-elle la coexistence de caractères opposés et, à la limite, contradictoires, selon que l’on considère l’équilibre stratégique, la diplomatie des États et l’évolution des sociétés : bipolarité et polycentrisme, hostilité et coopération, stabilisation et bouleversements semblent tour à tour dominer selon les moments, les niveaux et les points de vue.
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