Gendarmerie - Les Gendarmerie(s) spécialisées
Corps militaire chargé, pour l’essentiel, d’une fonction policière, la gendarmerie est une institution particulière et plurielle. Pour ce qui est de ce second caractère, il résulte du processus de spécialisation qui, surtout depuis la seconde moitié du XXe siècle, a profondément modifié son organisation. Cette évolution s’est effectuée dans deux domaines : celui des personnels, avec la création de catégories de spécialistes (transmissions, mécanique automobile, conduite des aéronefs, infirmerie, affaires immobilières…), et celui de l’organisation fonctionnelle avec, d’une part le fractionnement de la gendarmerie en deux subdivisions (départementale et mobile) et en gendarmerie(s) spécialisées (garde républicaine, gendarmerie maritime…), et d’autre part la mise en place au sein de la gendarmerie départementale de diverses unités spécialisées (brigades motorisées, PSIG, équipes cynophiles…).
À l’exception de la garde républicaine et de la gendarmerie maritime dont la situation particulière constitue un legs de l’histoire, ce mouvement de spécialisation a été conditionné par son adaptation soit aux modifications des conditions d’exécution de certaines de ses missions traditionnelles, soit à la création de nouvelles missions confiées par la puissance publique. Dans la première catégorie figurent ainsi la gendarmerie mobile (intensification dans l’entre-deux-guerres des troubles collectifs et inadaptation des forces militaires et policières aux opérations de maintien de l’ordre et de police des foules), les unités motorisées et d’autoroute (développement considérable dans les années 50 de la circulation routière), les unités de recherches (progrès constants de la délinquance), ou encore le GSIGN (prise de conscience au milieu des années 70 de la menace terroriste pesant sur la population et les autorités supérieures de l’État). La seconde catégorie rassemble, quant à elle, les formations spécialisées comme la gendarmerie de l’air ou celle de l’armement, dont la création a coïncidé avec l’attribution à la gendarmerie de missions de surveillance et de protection au profit, en l’espèce, des installations de l’armée de l’air et des établissements relevant de la délégation générale pour l’armement.
Évoluant quelque peu à la périphérie de la gendarmerie, ces gendarmerie(s) spécialisées n’en contribuent pas moins à l’exécution des missions confiées à l’institution. Le souci de rendre compte de la situation actuelle de cette dernière conduit à aborder ces formations singulières que sont, outre la garde républicaine (1), la gendarmerie maritime, celle de l’air, celle des transports aériens et celle de l’armement (2). Par-delà certaines particularités historiques, ces gendarmerie(s) spécialisées présentent, au moins dans trois principaux domaines, des caractéristiques communes.
La double subordination. Au-delà de leur subordination aux autorités hiérarchiques de la gendarmerie, ces formations font l’objet d’une subordination fonctionnelle aux échelons du commandement des armées ou des services au profit desquels elles interviennent. Ainsi la gendarmerie maritime (intégrée dans la gendarmerie par la loi du 2 janvier 1970), qui est tiraillée depuis ses origines, que l’on peut situer au XIVe siècle, entre la gendarmerie et la marine nationale, relève-t-elle du commandement de cette dernière s’agissant de la détermination et de la mise en œuvre de ses missions. C’est également le cas de la gendarmerie de l’air, constituée en 1943, et qui se trouve subordonnée aux échelons du commandement de l’armée de l’air qui en déterminent les conditions d’emploi. Mise en place par le décret du 31 mars 1953, la gendarmerie des transports aériens est placée pour emploi à la disposition de la direction générale de l’aviation civile (ministère des Transports). Il en est de même, depuis sa création par le décret du 16 mars 1973, pour la gendarmerie de l’armement, auprès de la délégation générale pour l’armement.
La dualité fonctionnelle. Ces formations spécialisées exercent deux principales fonctions : la continuité des missions de police et la protection des installations. Ainsi, la gendarmerie maritime est-elle chargée de l’exercice des attributions dévolues à la gendarmerie départementale à l’intérieur des établissements maritimes relevant du ministère de la Défense (ports, arsenaux, bases aéronavales…) et de leur protection conformément aux directives données par les commandants de région maritime, de base, et les directeurs d’établissement (notamment s’agissant des points sensibles maritimes et des installations des forces océaniques stratégiques), en outre de la participation, grâce à ses patrouilleurs, à la surveillance côtière (police de la navigation, assistance et secours en mer…). Il en est de même concernant la gendarmerie de l’air, à l’intérieur et aux abords des bases et établissements de l’armée de l’air, qui, de surcroît, est responsable de la constatation des accidents aériens militaires et participe aux enquêtes (civiles et judiciaires) mettant en cause des moyens aériens militaires. La gendarmerie des transports aériens est chargée, pour sa part, à l’intérieur des aérodromes civils — en liaison avec les autorités de l’aviation civile, des douanes et de la police nationale (police aux frontières) contribuant à la sûreté aérienne —, de la surveillance et de la protection des installations techniques, du filtrage des accès et de la surveillance des bagages, du traitement des alertes à la bombe, de la police de la circulation routière, de la protection rapprochée des avions des hautes personnalités et de leurs escortes, de la constatation des infractions au code et règlements de l’aviation civile et aux arrêtés préfectoraux, ainsi que des enquêtes judiciaires lors des accidents d’avions. La mission principale de la gendarmerie de l’armement réside dans la surveillance et la protection des 45 établissements relevant de la DGA. Ses personnels procèdent ainsi au filtrage des visiteurs, aux enquêtes nécessaires à l’habilitation du personnel et à l’escorte des documents et matériels confidentiels.
L’uniformité d’organisation. Sous réserve de la gendarmerie de l’armement dont les effectifs sont plus réduits (350 officiers, sous-officiers et gendarmes auxiliaires), les trois autres gendarmerie(s) spécialisées disposent chacune d’environ 1 100 personnels (3). Leur organisation territoriale est inspirée de celle d’une légion de gendarmerie départementale, tout en étant adaptée aux structures de l’armée ou du service pour lequel elles interviennent ; pour la gendarmerie maritime : un commandement (Paris), 3 groupements correspondant chacun à une façade maritime (Manche et mer du Nord, Atlantique, Méditerranée), 9 compagnies, 69 postes et brigades, 9 patrouilleurs (dont 4 outre-mer), 18 vedettes (dont 2 outre-mer) et un centre d’instruction (Toulon) ; pour la gendarmerie de l’air : un commandement (Paris), 4 groupements (Metz, Villacoublay, Bordeaux, Aix-en-Provence) et 57 brigades ; pour la gendarmerie des transports aériens : un commandement (Issy-les-Moulineaux, auquel est directement rattachée une brigade du fichier implantée à Orly), 4 groupements (Paris-Orly, Athis-Mons, Aix-en-Provence, Bordeaux), 7 compagnies (placées auprès des directions d’aviation civile), 45 brigades (dont 6 outre-mer) et 4 unités de protection (Orly, Roissy, Nice, Marseille). Pour sa part, la gendarmerie de l’armement dispose d’une organisation qui s’apparente à celle d’un groupement de gendarmerie départementale : un commandement (Arcueil), 2 compagnies (Paris, Saint-Médard-en-Jalles) et 19 brigades.
Bien que cultivant certaines particularités (4), ces gendarmerie(s) spécialisées n’en font pas moins partie intégrante de la gendarmerie. Pour autant, subsistent à leur propos, diverses interrogations, en particulier compte tenu des réflexions sur les nécessaires redéploiements d’effectifs au bénéfice des formations implantées dans les zones de peuplement important directement confrontées à l’aggravation de l’insécurité et des violences urbaines. Ainsi, et en tenant compte de la réduction du format des armées, il pourrait être envisagé un allégement du dispositif de ces gendarmerie(s) spécialisées, voire de confier certaines de leurs missions à d’autres unités territoriales de gendarmerie (concernant les enquêtes judiciaires et sur les personnels) et à d’autres services des armées et de la DGA (s’agissant des fonctions de protection et de gardiennage). Par ailleurs, pour ce qui est de la situation particulière de la gendarmerie des transports aériens, il pourrait être opportun d’engager une réflexion tendant à une meilleure répartition des tâches avec les services de la police aux frontières : au partage actuellement en vigueur (schématiquement, les policiers interviennent dans l’enceinte même de l’aéroport et les gendarmes sur les pistes et dans les installations extérieures) pourrait être substituée, dans la perspective d’une utilisation plus rationnelle des moyens publics, une répartition entre la police et la gendarmerie des différents aéroports, chaque institution se voyant confier la responsabilité pleine et entière des missions de sécurité dans les sites attribués. Enfin, il convient d’observer que la suppression du service national et la mise en place d’un système d’engagés volontaires (remplacement des gendarmes auxiliaires par les gendarmes adjoints) devraient avoir des conséquences importantes au sein de ces gendarmerie(s) spécialisées, à raison de la proportion élevée de ce type de personnels dans leurs effectifs. ♦
(1) « Les missions de sécurité de la garde républicaine », chronique « Gendarmerie », Défense Nationale, janvier 1998.
(2) En ce qui concerne leurs budgets, la gendarmerie maritime et la gendarmerie de l’air sont placées hors section gendarmerie et relèvent respectivement du budget de la marine nationale et de celui de l’armée de l’air.
(3) En effectifs budgétaires 1999 : 923 officiers et sous-officiers d’active, 213 gendarmes auxiliaires pour la gendarmerie maritime ; 753 officiers et sous-officiers d’active, 333 gendarmes auxiliaires pour la gendarmerie de l’air ; 598 officiers et sous-officiers, 457 gendarmes auxiliaires pour la gendarmerie des transports aériens.
(4) Ainsi, concernant l’uniforme, sous réserve des gendarmes de l’armement, les autres personnels de ces gendarmerie(s) spécialisées sont coiffés non du képi, mais de la casquette.