Asie - Indonésie : un président atypique
Avec 33,7 % des voix obtenus par le Parti démocratique indonésien-Lutte (PDI-P) dans les premières élections libres jamais organisées en Indonésie avec 48 partis en course, Megawati Sukarnoputri aurait dû logiquement devenir présidente. Cependant, à l’issue de nombreuses manœuvres et tractations, ce fut son ami, Abdurrahman Wahid, dont le Parti du réveil national n’avait obtenu que 12,6 % des voix qui fut élu par l’Assemblée consultative du peuple (MPR). Depuis, le quatrième président, qui a associé tous les partis représentés au Parlement dans un gouvernement d’union, ne cesse de décontenancer : imprévisible, annonçant une chose, puis son contraire, les observateurs hésitent à le considérer comme inconstant et tâtonnant ou d’une exceptionnelle habileté. Pour l’instant, la méthode Wahid semble réussir.
Avec 153 députés à la Chambre des représentants (DPR) et 37 élus des régions, Megawati Sukarnoputri était certaine d’être investie de la charge suprême. Cependant, en Indonésie, le président n’est pas élu au suffrage universel, mais par un collège regroupant les députés et les représentants des provinces, la MPR. Sûre de sa victoire, elle n’a pas voulu entrer dans les manœuvres politiques qui ont suivi les élections, ce qui lui aurait permis de former une coalition lui assurant sa désignation. Autour du flamboyant et ambitieux Amien Raïs, dont le Parti du mandat national (PAN) n’a obtenu que 7,1 % des voix et 24 députés, s’est formé un bloc musulman ayant pour objectif de ne pas laisser une femme diriger le pays islamisé le plus populeux du monde. Le président par intérim, Habibie, éliminé après que la MPR eut refusé de lui donner quitus de son action, principalement pour avoir ouvert la voie de l’indépendance au Timor-Oriental et pour avoir protégé l’ancien président Suharto, le président du Golkar, Akbar Tandjung, arrivé en deuxième position aux élections législatives avec 22,4 % des voix, a vite déclaré forfait. Pour éviter l’élection d’un membre du bloc musulman, Abdurrahman Wahid, bien que ne possédant que 57 membres de son parti à la MPR, mais très respecté dans le pays, décida de faire acte de candidature contre son amie. Il fut finalement élu, le 20 octobre 1999, par 373 voix contre 313, tandis que les partisans de Megawati Sukarnoputri, frustrés, se répandaient dans la capitale et plusieurs villes du pays, provoquant de graves incidents. La situation était devenue explosive. Le lendemain, après qu’Akbar Tandjung et le général Wiranto eurent retiré leur candidature, la fille de Sukarno fut élue vice-présidente haut la main, devant le président d’un petit parti musulman.
Né le 4 août 1940 à Jombang (Java-Est), Abdurrahman Wahid, surnommé Gus Dur (grand frère), est le petit-fils du fondateur de l’Association religieuse Nahlatul Ulama (NU). Après avoir suivi les cours d’une école primaire hollandaise, il continue dans une pesantren (école religieuse traditionnelle). Il fait des études de théologie et de droit islamiques à l’université Al-Azhar (Égypte), puis de lettres à Bagdad (Irak), de 1966 à 1970, d’où, trop intéressé par la poésie, il revient sans diplôme. À son retour, il dirige une école coranique. En 1984, il prend la direction de la Nahlatul Ulama qui revendique 35 millions d’adhérents. Il prône un islamisme modéré en conformité avec les cinq principes du Pancasila sur lesquels reposent les bases de la Constitution indonésienne. Il se présente comme un partisan de l’œcuménisme et il est président honoraire de la Conférence mondiale sur la religion et la paix. Membre de l’Institut Shimon Pérès, il prône un rapprochement avec Israël.
Il reste 74 % de l'article à lire