Marine - La restauration dans la Marine : révolution ou évolution ?
Dans les unités, le repas est un mouvement militaire, entend-on encore, parfois. Soit. Pour les marins, il peut être autre chose ou davantage : un repère, parmi d’autres, du fil des jours et un prétexte, parmi d’autres, d’une convivialité spontanée ou obligée. La marine n’a pu et ne peut négliger cet élément du soutien de ses ressortissants, en s’attachant cependant à mettre en œuvre des moyens et des techniques qui traduisent une nécessité et une volonté de maîtriser les mutations.
Au soir des années 80, la marine armait 200 bâtiments et 90 unités à terre disposant d’une cuisine autonome et de lieux de restauration particuliers ; elle entretenait ainsi une constellation de centres qui produisaient et distribuaient plus de 20 millions de repas par an, mais dont la modernisation paraissait inéluctable.
L’éclosion de la restauration collective hors foyer ou à caractère social, les prouesses technologiques de l’industrie alimentaire et le développement d’une réglementation sanitaire communautaire et nationale allaient inciter la marine à tourner la page et à faire d’autres choix en intégrant les contraintes actuelles ; tout d’abord, la contrainte budgétaire, de plus en plus pressante, qui ne rendait plus admissible l’entretien coûteux d’un nombre trop important de points de restauration, dès lors que de nouvelles solutions s’imposaient dans la société civile ; ensuite, la contrainte des effectifs : le fonctionnement de ces centres exigeait de nombreux opérateurs de spécialités diverses, et se révélait contradictoire avec la réduction du format que la marine engageait ; enfin la contrainte de la mise aux normes : les installations de production et de distribution alimentaires, la plupart de conception ancienne, devaient se conformer aux dispositions d’une réglementation sanitaire en constante évolution.
La détermination de la marine pour s’adapter aux temps s’est traduite différemment selon les unités, navigantes ou à terre.
Par définition, un bâtiment à la mer doit préserver en tous domaines, y compris celui de l’alimentation, son autonomie : il embarque les vivres et les transforme ; et l’évolution de la restauration à bord a été marquée par le regroupement des cuisines et des points de distribution ; en outre, les constructions neuves disposent désormais d’installations conçues pour permettre, lors de circonstances particulières, le recours au système de préparations culinaires élaborées à l’avance, essentiellement au cours des séjours au port.
À terre, la marine a fixé dès 1990 trois objectifs : adaptation aux normes, réduction des coûts, amélioration des conditions de travail du personnel ; pour les atteindre, elle a imposé un effort de rationalisation portant sur la diminution des points de production et sur la réorganisation de la distribution.
Pour ce qui concerne la production des repas, le système retenu est celui de la restauration centralisée en liaison froide réfrigérée (LFR) : un centre de production alimentaire (CPA) produit les entrées chaudes cuisinées, les plats protidiques et les desserts pâtissés, confiant aux centres de restauration satellites le soin de les remettre en température (à + 63 °C à cœur en moins d’une heure dans des fours adaptés), de préparer les entrées froides, les grillades ainsi que les desserts non pâtissés, et enfin d’assurer la distribution auprès des consommateurs.
La marine a décidé la construction de trois centres de production alimentaire, à Toulon, Brest et Cherbourg ; celui de Toulon est entré en service en 1995 et subira à court terme des travaux d’extension pour atteindre, à l’horizon 2002, une capacité de production de 100 000 repas/semaine ; celui de Brest, conçu également pour préparer 100 000 repas/semaine, a fourni sa première production le 2 mars 2000 ; l’achèvement des travaux du CPA de Cherbourg est prévu pour 2002.
Dans les autres ports, et conformément à la dynamique des prestations croisées avec les autres armées, la marine n’écarte pas, dans la mesure du rationnel, le rattachement aux centres de production alimentaire qui ne relèvent pas de sa responsabilité ; tel est le cas de ses unités et formations stationnées en région parisienne, dont le plan d’abonnement au CPA de Versailles-Satory (dépendant de l’armée de terre) débute dès 2000 pour se poursuivre jusqu’en 2002. Par ailleurs, pour satisfaire les besoins de certaines unités isolées, il est fait appel, conditions locales le permettant, à la sous-traitance.
Conjointement à la diminution des points de production, la réorganisation de la distribution s’est articulée sur des programmes locaux de satellisation d’un nombre limité de centres de restauration (une quinzaine pour chacun des ports de Toulon et de Brest, y compris les bases d’aéronautique navale, les cercles…), dont la réalisation est prévue de s’achever en 2003. Certains d’entre eux emploient majoritairement des agents de l’État récemment recrutés sur concours dans le cadre de la professionnalisation des armées ; d’autres ont été confiés, par la voie des marchés publics, à des entreprises sous-traitantes.
La technique de la liaison froide réfrigérée présente des avantages reconnus : elle impose une vigilance sanitaire implacable, favorise la rationalisation des investissements, dispense des contraintes de temps et de lieu, rend l’offre aisément adaptable à la demande, enfin réduit les astreintes du personnel de restauration. La marine s’est donné la capacité de construire et développer des moyens de production et de distribution modernes et performants, qui ont vocation à séduire les nostalgiques de la cuisine de collectivité classique. Il convient, pour l’avenir, de maintenir à niveau les moyens développés, sinon à les améliorer, en entretenant le professionnalisme des femmes et des hommes qui les mettent en œuvre et en veillant à l’optimisation des ressources financières destinées à l’alimentation du personnel. Ces actions sont garantes de la qualité diététique, bactériologique et organoleptique des repas proposés à la consommation dans la marine. ♦