Défense dans le monde - Actualité du Partenariat pour la paix
Depuis notre dernière chronique sur le sujet en mars 1998, le Partenariat pour la paix (PPP) a connu des évolutions importantes. Lors du sommet de Washington en avril 1999, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de passer à un partenariat renforcé et plus opérationnel (enhanced and more operational partnership : EMOP).
Après celui qui avait été décidé à Sintra en 1997, ce nouvel approfondissement est la conséquence du succès rencontré depuis 1994. Il répond aussi à la demande des partenaires de développer leurs relations opérationnelles avec l’Otan. De façon moins explicite, il est destiné à donner quelques satisfactions aux pays qui, malgré leurs espoirs, n’ont pas été admis dans l’Alliance. Il vise, enfin, à les faire patienter jusqu’à la deuxième vague d’élargissement dont il devrait être question à partir de 2002.
Ce développement du Partenariat a emprunté deux voies différentes : la création de nouveaux programmes et le renforcement de programmes déjà anciens. Il a également été marqué par des changements dans le statut de plusieurs pays.
Des programmes nouveaux
Le PMF (political-military framework) ou cadre politico-militaire pour les opérations de maintien de la paix décrit le mécanisme qui permet aux nations contribuant à une opération dirigée par l’Otan de participer à sa planification et à son commandement. Il fait suite à une revendication récurrente des nations dont certains ont envoyé dans les théâtres balkaniques plus de forces que des membres de l’Otan. Il correspond aussi au principe défendu de longue date, notamment par la France, selon lequel la participation en forces à une opération doit avoir comme corollaires l’accès à la planification et une participation proportionnelle au dispositif de commandement.
L’application du PMF se fait progressivement afin de donner satisfaction à la fois aux impatiences des partenaires et au souci de confidentialité des Alliés. Il s’est donc d’abord agi de diffuser une information plus concrète, plus précise et plus fréquente aux partenaires présents dans le théâtre. L’étape à venir est celle de leur participation à la planification et à la prise de décision. Le tour de l’inclusion dans le dispositif de commandement viendra plus tard. Les enjeux sont importants pour les partenaires, car pratiquement tous sont placés sous un contrôle politique très strict pour leurs opérations extérieures. Jusqu’à maintenant, leurs parlementaires ont su se satisfaire de justifications peu détaillées données a posteriori, mais la prolongation des conflits serait de nature à justifier de nouvelles exigences. Les partenaires pourraient demander à être informés plus tôt et plus complètement qu’ils le sont actuellement. Ils pourraient également souhaiter que l’annonce de leur engagement au côté de l’Alliance s’accompagnât d’un droit de participation effective à la planification et au commandement.
La cohésion de l’Otan repose en grande partie sur la planification de défense des Alliés. Depuis 1996, ce processus avait été transposé aux partenaires, mais sous une forme édulcorée connue sous le nom de PARP (planning and review process). Au sommet de Washington, il a été décidé de le rapprocher encore plus de la planification de l’Otan. En conséquence, les ministres de la Défense ont adopté en novembre 1999 la première « directive de planification » du Partenariat, qui fixe les priorités pour une période de six ans. Les autorités militaires ont ensuite défini, dans ce document politique, une série « d’objectifs de partenariat » (partnership goal : PG), puis chaque partenaire a choisi dans cette liste ceux qui lui semblaient les plus appropriés à sa situation et à ses ressources budgétaires. Le lancement de ce premier cycle rénové a permis de constater un grand volontarisme des partenaires, qui ont fait leurs des objectifs dont la réalisation excédait manifestement les financements prévisibles. Il faut imputer cela, soit à un engouement de néophyte qui sera corrigé par la suite, soit à une intention de faire pression sur les autorités budgétaires nationales en se parant de la caution de l’Otan afin d’obtenir des ressources supplémentaires.
Les pays qui se sont inscrits au PARP sont les neuf candidats à l’entrée dans l’Otan (Albanie, Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Macédoine, Slovaquie, Slovénie, Roumanie), quatre neutres (Autriche, Finlande, Suède, Suisse), ainsi que l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine.
Le renforcement de programmes anciens
Le Partenariat poursuit aussi son adaptation aux nouvelles conditions de sécurité en Europe, particulièrement à celles qui ont été constatées pendant les guerres dans les Balkans. Ainsi, son programme de travail (partnership work programmes : PWP) a-t-il ajouté deux domaines de coopération aux vingt et un déjà existants.
Le « déminage humanitaire » part du constat que les besoins d’assainir des zones entières sont immenses et que les moyens performants et réellement disponibles sont relativement peu nombreux. Par ailleurs, la multiplicité des initiatives internationales introduit un peu de trouble qu’il conviendrait de clarifier. L’inscription du déminage au programme de travail du Partenariat va donc permettre de mettre en commun les concepts et les enseignements, d’ébaucher empiriquement une division du travail et, surtout, de mesurer la réalité du volontarisme des nations. On peut également penser que de véritables chefs de file vont progressivement apparaître.
La « lutte contre la dissémination des armes de petit calibre » (small arms and light weapons : SALW) est l’autre domaine qui vient d’être inscrit au PWP. Les raisons qui y ont conduit et les résultats attendus sont exactement les mêmes que pour le déminage. Cette action demande la mise en place de mesures réglementaires entre les principaux fournisseurs et l’organisation de strictes mesures de contrôle aux frontières des théâtres de crise.
Dans ces deux secteurs qui, à l’origine, n’étaient pas proprement militaires, le constat a été fait qu’il existe des aspects correspondant aux compétences des forces armées. L’expérience montre qu’ils sont rarement pris en compte à leur juste mesure au moment du déclenchement des opérations. L’Otan n’a donc eu qu’à saisir ces occasions pour ajouter ces cordes à son arc du PPP.
L’évolution des partenaires
Le caractère attractif du Partenariat amène des pays européens à s’en rapprocher.
L’Irlande s’était enfermée de façon stricte dans son indépendance. Toutefois, ce pays est membre de l’Union européenne et a donc eu l’occasion d’apprécier les vertus des institutions multilatérales. Par ailleurs, le cas des autres Neutres qui ont pu adhérer au Partenariat sans rompre leur statut traditionnel aura pu servir d’exemple à Dublin. De fait, l’Irlande est devenue membre du Partenariat en décembre 1999. Dès les premières réunions, elle a montré qu’elle saurait tenir toute sa place dans cet organisme pourtant composé de pays plus habitués qu’elle aux arcanes du multilatéralisme atlantique.
Grâce à une alternance gouvernementale au début de l’année, la Croatie s’est dotée d’un gouvernement plus libéral que le précédent, et plus enclin à nouer des relations suivies avec les Occidentaux. Il appartenait alors à l’Otan de tirer les conséquences d’une évolution politique et militaire en tout point satisfaisante à ses yeux. La Croatie est donc devenue en mai dernier le quarante-cinquième membre du Partenariat.
L’Autriche est un membre actif et zélé du Partenariat depuis 1996. Le changement de majorité qu’elle a connu récemment devrait faire évoluer son statut dans le sens d’un rapprochement avec l’Alliance. Le programme de gouvernement de la coalition qui a remporté les élections prévoit, en effet, que l’Autriche instaurera un « dialogue intensifié » avec l’Otan, sans préjuger la décision définitive sur ses rapports futurs avec celle-ci. Ce « dialogue intensifié » est une position intermédiaire entre partenaire et membre plein. Il avait été pratiqué par la Pologne, la République tchèque et la Hongrie dans les trimestres qui ont précédé leur entrée dans l’Alliance.
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En conclusion, le Partenariat pour la paix est une entreprise bien vivante dans tous ses domaines d’activité. Il correspond à un besoin européen avéré et son potentiel d’évolution est encore très important.
25 mai 2000