Asie - Espoir de détente en Asie ?
L’inattendue réussite du sommet intercoréen, du 12 au 14 juin 2000 à Pyongyang, dépasse largement le cadre bilatéral. Son importance est telle qu’il a provoqué un véritable ballet diplomatique, les puissances concernées révisant leur stratégie dans la région. Celle-ci, depuis la fin de la guerre froide, a connu plusieurs regains de vives tensions internationales. Si, d’une manière générale, on peut espérer que la diplomatie saura empêcher tout dérapage de différends entre États, on constate que les conflits internes s’amplifient et qu’en Asie, de larges zones d’instabilité demeurent.
La chaleur des entretiens entre les deux présidents coréens a stupéfié le monde. Lorsque ce sommet avait été annoncé, le 10 avril, soit trois jours avant les élections législatives, les Sud-Coréens avaient généralement cru y voir une manœuvre politicienne destinée à favoriser les candidats du parti du président Kim Dae-jung, le Parti démocratique du millénaire (PDM), rien ne garantissant alors que le sommet aurait bien lieu. Une partie de l’électorat avait même sanctionné le PDM. Le retour triomphal de Kim Dae-jung à Séoul a été à la hauteur du scepticisme qui avait précédé son voyage. La situation économique catastrophique en Corée du Nord et, surtout, la personnalité du président sud-coréen sont à l’origine de ce sommet. Sur ses cinq ans de mandat, il en aura fallu près de la moitié pour convaincre son homologue de sa sincérité. Sa politique de la main tendue est allée de pair avec la plus grande fermeté contre toutes les intrusions et provocations du Nord, et jusqu’à faire couler un bâtiment nord-coréen le 15 juin 1999. Il ne fallait pas que sa politique fût interprétée comme un signe de faiblesse. Il reste deux ans aux deux présidents pour rendre irréversibles la cohabitation et la coopération entre les deux régimes. Pour les Sud-Coréens, la détente avec le Nord présente deux avantages principaux. Elle va permettre les retrouvailles de ce qui reste des familles séparées depuis cinquante ans par la guerre. Surtout, elle va éloigner la crainte permanente d’une nouvelle guerre ou de tension armée. Déjà, sur la ligne de démarcation, les haut-parleurs nord-coréens qui déversaient des slogans et des injures se sont tus. Les deux Croix-Rouges ont engagé les discussions pour les rencontres des familles, et l’on parle déjà d’organisations et d’équipes sportives communes pour les prochaines grandes compétitions internationales.
La confiance entre les deux capitales va permettre une réduction progressive des effectifs militaires qui pèsent lourdement, surtout au Nord, sur les budgets. Pour leur part, les hommes d’affaires sudistes vont pouvoir investir plus facilement. Si les Sud-Coréens se félicitent du nouveau climat, ils ne veulent pas en subir le coût financier. Ils ont le sentiment que, par l’aide massive promise par Kim Dae-jung, ce dernier a acheté la paix et qu’ils vont devoir la payer. Après les énormes sacrifices consentis pour redresser l’économie de leur pays, ils voudraient pouvoir profiter de la reprise. Ils admettent mal l’idée de faire les frais d’une aide au profit de ceux qui ont tant fait, pendant cinquante ans, pour détruire leur pays. Bien sûr, on a parlé de réunification. Là encore, celle des deux Allemagnes servant de référence, les jeunes générations ne sont pas empressées d’en payer le prix. De toute façon, chacun sait que c’est un objectif lointain qui reste avant tout une position de principe. Kim Dae-jung s’est engagé à ne rien faire pour déstabiliser le régime en place. Or, il est inimaginable qu’une réunion éventuelle ne se fasse pas au profit du Sud. Au mieux, on pourrait imaginer une sorte de confédération qui pourrait, verbalement mais pas dans son application, reprendre la formule chinoise : « un pays, deux systèmes ». Un mystère subsiste : la personnalité et la marge de manœuvre du président nord-coréen Kim Jong-il. Cet homme présenté depuis 1994 comme secret, renfermé et souffrant de problèmes mentaux, jouet entre les mains des militaires, fait maintenant l’objet d’un véritable engouement au Sud. On peut se demander s’il souhaite vraiment mettre fin à l’isolement de son pays, ou si sa démarche est limitée à l’obtention de l’aide économique internationale. Peut-on imaginer, comme cela s’est produit dans la plupart des ex-républiques de l’URSS, qu’il change la nature du régime tout en s’assurant un pouvoir personnel très fort ?
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