Gendarmerie - Les missions de sécurité de la garde républicaine
« Je ne veux pas manquer l’occasion vraiment exceptionnelle de dire ce que je pense de ce grand corps et des services qu’il rend à l’État. Il les rend d’abord en assurant sa sécurité, non sans mérite, non sans danger. Et puis la garde rend service à l’État par l’éclat qu’elle déploie toujours dans les grandes manifestations et autour de ces manifestations (...). Et par l’exemple qu’elle donne, l’exemple du service bien fait, l’exemple de la dignité, l’exemple… de la majesté militaire. Tout cela, c’est votre honneur, c’est l’honneur de votre corps, fidèle à son brillant passé » : ce vibrant hommage rendu, il y a près d’un quart de siècle, par le général de Gaulle (1) est parfaitement significatif du prestige indicible et inaltéré de cette formation si singulière qu’est la garde républicaine.
Par sa présence traditionnelle et anodine, solennelle et martiale, le garde républicain, qu’il porte le shako, le képi ou le casque de cavalerie, est devenu au fil des temps indissociable du fonctionnement effectif des plus hautes institutions de la république, rendant les honneurs aux chefs d’État étrangers sur le perron de l’Élysée, escortant à cheval et à motocyclette le président lors du défilé du 14 juillet, ou montant la garde devant le siège du gouvernement. Les attributs de l’uniforme où prédominent, par-delà le bleu et le noir si caractéristiques de la gendarmerie, le rouge (plumet, galon du képi…) et le jaune (trèfle et aiguillettes, boutons et parements de grade, pattes de collet de la tunique, boucles de ceinturon…), ont contribué largement à faire du garde républicain un personnage tout à la fois familier et légendaire. Bien que la référence explicite à la ville de Paris ait disparu officiellement depuis 1978, les liens historiques qui unissent la garde à la capitale, au sein de laquelle elle est d’ailleurs disséminée dans plus d’une vingtaine de casernes, sont pour autant loin d’avoir disparu, les armes de la ville de Paris demeurant ainsi frappées sur les plaques de shako et de casque, ainsi que sur les boutons d’uniforme du garde républicain d’aujourd’hui.
Formation séculaire dont les origines lointaines se situent dans le guet royal institué au milieu du XIIIe siècle, et qui a pour ancêtre plus contemporain la garde municipale de Paris créée en 1802 par Napoléon, rattachée depuis 1849 à la gendarmerie nationale, la garde républicaine se trouve intégrée, à l’heure actuelle, au sein de la circonscription de gendarmerie d’Île-de-France. Unique formation de gendarmerie dotée d’une organisation régimentaire, elle dispose d’environ 3 350 officiers, sous-officiers et gendarmes auxiliaires, placés sous les ordres d’un officier général et répartis dans deux régiments d’infanterie et un de cavalerie : le 1er régiment d’infanterie, comprenant, outre une section hors rang, la compagnie de sécurité de la présidence de la République, trois compagnies d’honneur, la batterie fanfare et l’escadron motocycliste ; le 2e régiment d’infanterie, qui se divise en deux bataillons composés chacun d’une section hors rang, de deux sections de grands services, d’une compagnie de sécurité des palais nationaux et d’une compagnie de service et de sécurité ; le régiment de cavalerie, dernier régiment monté de l’armée française (515 chevaux), qui comprend un centre d’instruction (Saint-Germain-en-Laye), un escadron hors rang (maréchalerie, infirmerie vétérinaire et fanfare) et trois escadrons à cheval.
La garde républicaine a pour vocation première d’assurer les missions de sécurité et les services d’honneur au profit des instances supérieures de l’État (2). À ce titre, elle exerce à la fois la garde et la sécurité intérieure de la présidence de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat, de la résidence du Premier ministre, des ministères de la Défense et des Affaires étrangères, mais aussi les services de sécurité et d’honneur au profit du président de la République, des présidents des Assemblées parlementaires et des souverains et chefs d’États étrangers. Elle peut fournir également des détachements d’honneur à l’occasion de séances solennelles du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État, du Conseil économique et social, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes et de l’Institut de France. Au-delà de ces services qui représentent plus des trois quarts de ses missions, la garde républicaine apporte son concours aux opérations de relations publiques de la gendarmerie, notamment par la participation de ses formations spéciales que sont la musique, la fanfare de cavalerie, la batterie fanfare, le chœur de l’armée française, l’équipe d’acrobaties motocyclistes, le quadrille des baïonnettes, ou encore le carrousel des lances.
Si ces deux types de mission paraissent, dans l’ensemble, bien connus du grand public, il n’en est pas de même pour les deux autres missions de sécurité exercées par cette formation. Ainsi, conformément aux dispositions de l’instruction interministérielle du 9 mai 1995 relative à la participation des forces armées au maintien de l’ordre, la garde républicaine, force de première catégorie (3), peut participer, sur décision du ministre de la Défense, aux opérations de maintien de l’ordre dans la capitale. Dans cette perspective, elle est sous réquisition permanente des présidents des Assemblées parlementaires et du préfet de police de Paris. Pour autant, cette contribution aux opérations de maintien et de rétablissement de l’ordre n’est envisageable que de manière exceptionnelle (4) ; en dehors des situations de crise grave, et compte tenu, il est vrai, de l’importance, en toutes circonstances, de sa mission prioritaire d’assurer la protection des institutions gouvernementales et des plus hautes autorités de l’État, les gardes républicains ne peuvent être associés à des escadrons de gendarmerie mobile ou à des compagnies républicaines de sécurité à l’occasion des nombreuses manifestations et autres démonstrations de rue dans la capitale. Dans le même ordre d’idées, lors de la mise en œuvre du plan Vigipirate, si la garde a été amenée à effectuer des services de surveillance, notamment dans le réseau métropolitain, les gardes républicains sont demeurés revêtus de leur tenue de service courant (contrairement à leurs collègues gendarmes mobiles agissant généralement, quant à eux, en tenue de maintien de l’ordre), cette précision, qui pourrait n’être qu’un détail vestimentaire anodin, apparaissant pourtant par certains côtés parfaitement significative de la volonté de ne pas intégrer, fonctionnellement et symboliquement, cette formation dans le dispositif normal des forces de maintien de l’ordre.
La garde républicaine peut également se voir confier, en raison de ses moyens spécifiques, des missions de surveillance de certaines forêts domaniales (avec ses postes permanents de Boulogne, Vincennes, Senlis et Chambord, et saisonniers de Fontainebleau, Compiègne, Rambouillet…), d’escorte (notamment d’épreuves sportives comme le tour de France cycliste), ou encore de police de la route. Quelques indicateurs chiffrés permettent, pour l’année 1996, de prendre toute la mesure de ces missions de renfort de sécurité au profit de la gendarmerie départementale :
Postes à cheval saisonniers ou permanents |
4 100 patrouilles |
Escortes de courses cyclistes |
30 |
Escortes « transplant » |
154 |
Escortes diverses |
175 |
Escortes d’autorités |
78 |
Renforts équipes légères d’intervention |
48 |
Services de police de la route |
1 509 jours/gendarmes |
Bien que la garde républicaine cultive une indéniable identité ancestrale, cette participation aux missions générales de sécurité de la gendarmerie permet, en se situant dans les domaines normatif, culturel et organique, de souligner l’appartenance, sans réserve ni ambiguïté, de cette formation d’élite à ce qu’il est convenu d’appeler la « communauté gendarmique ». ♦
(1) Allocution prononcée, le 12 février 1963, lors d’une réception au palais de l’Élysée.
(2) Instruction du 15 septembre 1978 sur l’organisation et les missions de la garde républicaine ; arrêté du 9 mars 1993 relatif à la garde républicaine.
(3) « Les forces de première catégorie assurent quotidiennement et d’initiative des missions entrant dans le cadre du maintien de l’ordre public. Leur engagement en unités constituées peut également intervenir sur réquisition de l’autorité civile. Leur entraînement et leurs équipements les destinent en priorité à des missions préventives dans leur circonscription habituelle. Elles effectuent des services de courte durée ne nécessitant que de faibles effectifs et interviennent en cas d’urgence en attendant l’arrivée des forces mobiles. Lorsque la gravité de la situation l’exige, elles agissent en renforcement des forces mobiles employées dans les opérations de maintien de l’ordre » (article 20).
(4) Ainsi, du 3 mai au 10 juin 1968, la garde fut amenée, comme ce fut le cas d’ailleurs à plusieurs reprises dans l’entre-deux-guerres (notamment lors des événements du 6 février 1934), à participer aux opérations de maintien de l’ordre dans la capitale, comptant dans ses rangs, à cette occasion, plus d’une quarantaine de blessés.