Défense dans le monde - Le partenariat pour la paix
Le Partenariat pour la paix (1) est devenu un des principaux moyens de stabilisation du continent. Prévu en 1994 pour développer l’interopérabilité des armées des pays d’Europe centrale avec celles des Alliés, son rôle s’est progressivement enrichi. En mai 1997, à Cintra, le Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance atlantique lui a donné une nouvelle dimension.
Le nouveau volet politique
La réussite technique du Partenariat et la nécessité de franchir une étape dans l’association des pays candidats à l’entrée dans l’Otan ont conduit le Conseil atlantique à élaborer une politique du Partenariat. Le conseil de Partenariat euro-atlantique (2) est composé des Alliés, des partenaires et des pays qui s’engagent à en accepter les principes fondateurs. À l’heure actuelle, il est composé de quarante-quatre membres dont la Russie.
Ce conseil est un lieu de dialogue et de concertation. Il ne devrait devenir qu’exceptionnellement organe de décision. Le Conseil atlantique à seize entend bien, en effet, conserver la maîtrise des travaux et décisions de l’Alliance. Toutefois, à l’expérience, on pourrait noter une contradiction entre le souci de développer la participation des partenaires et leur engagement politique dans la communauté euro-atlantique et la réticence à leur consentir un droit de participation à la décision. En outre, avec vingt-huit voix contre seize, les partenaires y disposeront de la majorité, ce qui, à la longue, pourrait influer sur la physionomie des travaux.
En cas d’opération de maintien de la paix sous-traitée à l’Otan, ce conseil peut devenir une organisation de la coopération politique et d’harmonisation des positions.
Comme le Conseil atlantique, le CPEA se réunit deux fois l’an en formation des ministres des Affaires étrangères et de la Défense.
À Cintra, les ministres n’ont pas évoqué cet organisme hybride qu’est la cellule de coordination du partenariat (3). Installée à Mons (Belgique), elle relève à la fois du Conseil de l’Atlantique Nord, institution politique, et du commandant en chef allié en Europe, ce qui explique son implantation. Son rôle est d’établir des liaisons de travail entre les capitales des pays partenaires et les organismes de l’Otan engagés dans le PPP. Elle a probablement vocation, dans l’avenir, à devenir un moyen d’analyse du conseil (4).
L’approfondissement de la coopération militaire
De 1994 à 1997, le Partenariat était organisé autour de trois missions : opérations humanitaires, maintien de la paix, recherche et sauvetage (5). Ce choix s’est révélé bon, car il a effectivement permis d’organiser de nombreux exercices convaincants et a fourni aux partenaires des objectifs immédiats adaptés à leur situation. Les dirigeants de l’Alliance ont l’habitude d’affirmer que le succès d’emblée de l’Ifor en Bosnie est le résultat du travail de fond réalisé dans le Partenariat (6). Le caractère élémentaire de ces missions limite cependant la recherche de l’interopérabilité, en particulier ne permet pas de déployer des systèmes complexes de télécommunications ni de s’engager dans les opérations interarmées. Pour l’Otan, la maîtrise de ces techniques est indispensable puisque la mise en œuvre de l’article 5 constitue la raison d’être de l’Organisation. Les partenaires eux-mêmes demandaient à passer à un stade plus développé de la coopération militaire.
À Cintra, le partenariat a été étendu à la totalité des missions militaires. Cette étape est encore trop récente pour pouvoir être évaluée. Elle sera probablement plus difficile à assimiler pour les partenaires. Afin de s’adapter aux méthodes opérationnelles de l’Otan, il leur faudra modifier leur organisation du commandement et revoir leurs méthodes de formation du personnel dans le sens du développement de l’initiative individuelle et du décloisonnement des différentes fonctions d’état-major. À l’occasion, la Russie a dit analyser cette évolution comme un passage à une conception offensive du PPP.
Jusqu’en 1997, les tâches liées au Partenariat étaient assurées par les services normaux des états-majors de l’Otan. Le volume relativement réduit de travail permettait son absorption sans modification de structure. Le changement de dimension de Cintra ne permet plus de continuer dans cette voie. Il a fallu créer des institutions spéciales pour le PPP, essentiellement dans les états-majors les plus actifs dans la coopération avec les pays d’Europe centrale. Initialement au nombre de six, les cellules d’état-major du Partenariat (7) seront localisées avec les plus importants états-majors de l’Otan. Elles seront dirigées par un officier allié. À hauteur de 60 %, des officiers partenaires entreront dans leur composition. L’ouverture des PSE est prévue au printemps de cette année (8). Elles devraient donner impulsion et cohérence au Partenariat, mais le risque existe aussi qu’elles retirent, petit à petit, à certains états-majors le plus vif de leur travail.
L’échelon régional
Le Partenariat ancienne formule privilégiait le travail entre les seize Alliés et un seul partenaire (9). Le passage à la nouvelle étape, notamment dans le domaine politique, crée sans délai une institution à quarante-quatre. Un nombre assez important de partenaires va éprouver des difficultés à maîtriser la nature nouvelle des relations qui s’y développeront. Par ailleurs, la multiplicité des sensibilités politiques, culturelles et religieuses d’un ensemble géographique aussi vaste se satisfera mal du travail à l’unanimité et de la recherche systématique du consensus.
Le recours à un niveau intermédiaire entre une nation et l’ensemble euro-atlantique pourrait être une solution utile. Les recherches autour de cet échelon régional ont commencé, mais il faut tenir compte des différents états d’esprit. Si certains pays (Autriche, Bulgarie) sont particulièrement actifs, d’autres, comme les Baltes, estiment que l’institutionnalisation du niveau régional pourrait conduire à retarder leur admission dans l’Otan. Ils se montrent donc réticents à s’engager dans cette direction. Par ailleurs, l’Otan souhaite conserver son organisation centralisée et estime préférable de ne pas généraliser ce niveau régional pour éviter de provoquer des tendances centrifuges. Enfin, est-il possible de concevoir de la même façon les régionalisations politique ou politico-militaire et opérationnelle alors que cette dernière s’accommode mal de limites variables ?
Si la Russie n’a pas encore eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet, l’observation de son attitude avec les Baltes est riche d’enseignements. Elle pourrait, dans cette partie de l’Europe, arriver à poser, avant l’Otan, les conditions d’une cohabitation régionale. Le modèle serait ensuite disponible pour être proposé dans d’autres régions, notamment les Balkans ou la vallée du Danube. Sa disposition d’esprit montre, en tout cas, qu’en ce domaine, la souplesse est le meilleur garant d’efficacité.
La France et le partenariat
Probablement en surévaluant les difficultés de sa réalisation, la France a eu, en 1994, des doutes sur la viabilité du PPP. Il est probable aussi que son absence des structures intégrées a pesé sur cette évaluation. Elle a donc été conduite à privilégier la coopération militaire bilatérale.
Le congrès de Cintra a sonné comme un réveil. La nécessité de s’engager dans le PPP pour ne pas perdre le contact avec les partenaires est apparue clairement. La réorientation de l’effort de coopération, la définition de secteurs à promouvoir et les investissements nécessaires en personnel ont été les tâches les plus immédiates. Les résultats obtenus rapidement ne sont pas négligeables et montrent qu’il conviendra de conserver un équilibre entre la coopération bilatérale et l’engagement dans le Partenariat pour la paix.
Janvier 1998
(1) PPP ou, en anglais qui en est l’unique langue de travail Partnership for Peace (PfP).
(2) En anglais : Euroatlantic Partnership Council (EAPC).
(3) En anglais : Partnership Coordination Cell (PCC).
(4) Depuis le début de l’année 1998, le directeur adjoint de la PCC est un Français.
(5) En anglais : Search and Rescue (SAR).
(6) Ce faisant, ils ont tendance à oublier les nombreuses années d’apprentissage du travail en commun de la Forpronu.
(7) En anglais : Partnership Staff Element (PSE).
(8) Des Français feront partie de ces cellules.
(9) Format à « 16+1 ».