Gendarmerie - La création d'un corps militaire de soutien dans la gendarmerie
Afin de rendre possible le redéploiement sur le terrain de 4 500 postes d’officiers (134) et de sous-officiers (3 386) de gendarmerie employés jusque-là dans des tâches administratives et techniques (affaires immobilières, armurerie, deniers…), la loi de programmation militaire 1997-2002 a prévu, outre l’accroissement important du nombre de personnels civils (de 1 258 en 1996 à 2 260 en 2002), la constitution d’un corps militaire de soutien. Fondée sur le souci légitime de recentrer l’action de la gendarmerie sur ses missions fondamentales de sécurité publique et de maintien de l’ordre, cette mesure n’en a pas moins pour objet principal de compenser arithmétiquement la réduction, dans le même temps, d’un nombre équivalent de personnels d’active, soit exactement 4 522 postes budgétaires, compte tenu de la diminution du nombre de sous-officiers de 5 777 et de l’augmentation de 1 255 de celui d’officiers.
Afin de remédier à la faiblesse endémique du taux d’encadrement de la gendarmerie en personnels officiers, ce corps va être porté de 2 666 (1996) à 3 921 (2002), grâce, d’une part à une requalification d’emplois de sous-officier aboutissant au doublement du volume de recrutement interne, d’autre part à un accroissement du nombre d’officiers d’active des armées recrutés sur concours. Dans cette perspective — et avant que cette procédure ne connaisse vraisemblablement certaines modifications à partir de 2003 —, le nombre de postes d’officiers proposés annuellement au recrutement (interne et externe) devrait évoluer comme ci-dessus.
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
à partir de 2003 |
149 |
225 |
347 |
343 |
356 |
356 |
346 |
278 |
170 |
Aussi la constitution d’un corps militaire de soutien présente-t-elle un indéniable intérêt budgétaire et financier, l’emploi de ces personnels se révélant, il est vrai, moins onéreux que celui des officiers et sous-officiers d’active de la gendarmerie. Cette mesure n’est pas susceptible, par contre, de dégager des effectifs supplémentaires pour renforcer la présence de la gendarmerie dans les zones périurbaines et autres banlieues sensibles relevant de sa compétence exclusive, cet indispensable redéploiement constituant, comme l’a fort justement souligné un récent rapport sénatorial (1), l’un des principaux défis pour l’institution. Dès lors, il n’y a guère que l’augmentation du nombre de gendarmes auxiliaires (GA), conjointement avec la disparition progressive de brigades implantées en zone de police d’État, qui soit susceptible de dégager des effectifs supplémentaires afin de lutter efficacement contre l’insécurité dans les zones de peuplement important, en fournissant aux brigades qui y interviennent de précieux renforts, obtenus également en remplaçant dans les unités à faible activité des personnels d’active par des appelés du contingent et autres volontaires. Selon les termes de la loi de programmation militaire, les 12 644 appelés servant actuellement dans la gendarmerie vont être remplacés par 16 232 volontaires, selon le calendrier ci-dessous.
|
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Appelés |
12 644 |
9 468 |
6 312 |
3 156 |
0 |
Volontaires |
0 |
4 058 |
8 116 |
12 174 |
16 232 |
La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national définit les conditions de ce volontariat, le recrutement devant commencer à la fin de 1998 (la ressource pourra être satisfaite, au moins dans un premier temps, en offrant aux actuels GA VSL et aux anciens GA la possibilité d’opter pour ce volontariat) : jeunes âgés de 18 à 26 ans, durée d’engagement de 12 mois renouvelable chaque année dans la limite de 60 mois, épreuves de sélection sur une journée (organisées au niveau régional : épreuves d’aptitude générale, épreuves physiques gendarmerie et tests de personnalité), formation de 10 semaines en école et 6 semaines de stage pratique en unité, prérogatives d’agent de police judiciaire adjoint (article 21 du Code de procédure pénale), affectation dans les unités de gendarmerie départementale et dans les escadrons de gendarmerie mobile (sous réserve de la participation aux opérations de maintien de l’ordre), rémunération égale au smic (+ indemnité de sujétions spéciales de police équivalant à 20 % de la solde de base), logement de fonction, mesures d’insertion professionnelle pour ceux ne pouvant accéder à une carrière dans la gendarmerie.
À maints égards, la contrainte budgétaire n’est pas la seule justification à la constitution du corps militaire de soutien. En effet, au-delà de ce qui peut apparaître comme une contribution à la réduction, si ce n’est du format des forces armées, au moins de la dépense publique, force est de reconnaître que l’affectation dans des tâches d’administration et de gestion, parfois d’entretien des matériels et du casernement, d’un nombre important de gendarmes de carrière, de gradés et d’officiers de gendarmerie (environ 4,5 % des effectifs budgétaires), souvent expérimentés, agents ou officiers de police judiciaire, bénéficiant à ce titre de l’indemnité de sujétions spéciales de police et du logement en caserne (pour nécessité absolue de service) à titre gratuit, méconnaissait, pour partie au moins, la logique de rationalité administrative. Bien que l’expérience des réalités du terrain acquise par ces personnels préalablement à leur affectation en état-major ou en service de soutien logistique contribue largement à la nécessaire intégration de la logique opérationnelle dans la gestion administrative, financière et technique des unités, il semble difficilement contestable que, ne serait-ce qu’au regard des principes d’action et des valeurs professionnelles du gendarme, la place de ce dernier se situe, dans le contexte de recrudescence actuelle de l’insécurité et des violences urbaines, davantage dans une brigade territoriale ou un escadron de gendarmerie mobile que dans un atelier auto ou un service du matériel.
La montée en puissance de ce nouveau corps (de 649 personnels en 1996 à 4 169 — dont 134 officiers — en 2002) sera obtenue, pour l’essentiel, grâce à l’affectation d’officiers et de sous-officiers volontaires issus des armées (2). Dans l’attente de la définition prochaine d’un statut particulier permettant la création d’un corps technique et administratif de la gendarmerie, ces militaires rejoignent provisoirement la catégorie des personnels de la spécialité EASG (emplois administratifs et de soutien de la gendarmerie), qui se substitue, depuis la fin de l’année 1996, à la spécialité EAEM (emplois administratifs et d’état-major). L’origine de cette dernière catégorie de personnels, qui est donc le point de départ de ce qui va devenir le corps militaire de soutien, se situe dans le mouvement de féminisation progressive de la gendarmerie entrepris à partir du début des années 70.
Initialement dénommées volontaires du service national féminin (VSNF), les gendarmes auxiliaires féminins (GAF) sont, en effet, les premières jeunes femmes à avoir intégré, dès 1972, les rangs de la gendarmerie pour effectuer un service national actif. Après une période de formation de deux mois, ces personnels féminins rejoignent des affectations dans les états-majors et les services afin d’occuper principalement des emplois administratifs (secrétariat, dactylographie, transmissions…). À partir de 1979, la gendarmerie devait recruter également des personnels du corps technique et administratif de l’armée de terre relevant de la spécialité emplois administratifs et d’état-major de la gendarmerie (arrêté du ministre de la Défense du 16 juillet 1979). Comprenant à la fois des sous-officiers de carrière, des militaires engagés et des sous-officiers sous contrat, ces personnels féminins, plus connus alors sous le sobriquet de « gendarmettes », étaient recrutés presque entièrement parmi les anciens gendarmes auxiliaires féminins. Outre le changement d’appellation, la constitution, par arrêté du ministre de la Défense du 13 décembre 1996, de la spécialité EASG s’est traduite, d’une part par une ouverture indistincte de la spécialité aux hommes et aux femmes, d’autre part par une extension des domaines d’action de ces personnels jusque-là cantonnés dans des emplois purement administratifs. En effet, de nouvelles branches ont été créées (affaires immobilières, mécaniciens auto-engin blindé, armurerie, santé…), de manière à permettre l’ouverture de cette spécialité aux emplois de soutien logistique. Devant rassembler les personnels féminins qui relevaient antérieurement de la spécialité EAEM et les sous-officiers (masculins et féminins) recrutés depuis le début de l’année 1997 au moyen d’engagements initiaux souscrits par d’anciens gendarmes auxiliaires (après une formation de quatre mois à l’École des sous-officiers de Chaumont), la spécialité EASG doit également constituer le noyau à partir duquel, grâce à l’intégration d’officiers et de sous-officiers issus des armées, devrait naître ce corps militaire de soutien prévu par la loi de programmation militaire. ♦
(1) « Les banlieues : un nouveau défi pour la gendarmerie » : rapport établi par Michel Alloncle, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; Sénat, annexe au procès-verbal de la séance du 29 octobre 1997 (Les rapports du Sénat, n° 62).
(2) Au 1er janvier 1998, le corps militaire de soutien de la gendarmerie comprend 21 officiers et 1 767 sous-officiers.