Afrique - L'Afrique, une priorité dans la réforme de la coopération française
L’année 1999 sera donc celle de la mise en œuvre de la réforme en profondeur du dispositif de la coopération française, préparée et annoncée par le gouvernement Jospin en 1998 et acceptée par le président de la République Jacques Chirac. À partir du 1er janvier prochain, le ministère de la Coopération disparaîtra et la plupart de ses services seront intégrés au ministère des Affaires étrangères au sein d’une grande direction générale de la coopération et du développement, qui a pour vocation de conduire la politique de coopération et d’aide avec l’ensemble des pays du monde et de mieux l’insérer dans l’ensemble des relations extérieures de la France.
Cette politique sera codéfinie avec le ministère de l’Économie et des Finances (qui continuera de gérer directement près de la moitié de l’aide publique au développement française), au sein du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (Cicid). C’est d’ailleurs cet organisme qui devra définir avec précision la zone de solidarité prioritaire, c’est-à-dire l’ensemble des pays qui devront être considérés comme les destinataires prioritaires de l’aide française, et parmi lesquels il y a tout lieu de penser que l’on retrouvera la plupart des pays africains de l’« ex-champ » d’intervention de l’ancien ministère de la Coopération. Il faut préciser qu’en 1997 (dernières statistiques disponibles), l’Afrique subsaharienne recevait 45 % du total de l’APD bilatérale française, contre 13 % pour l’Afrique du Nord, 4 % pour l’Amérique, 2 % pour le Proche-Orient, 1 % pour l’Asie du Sud et 4 % pour l’Extrême-Orient.
Il est d’ores et déjà clair que le maintien de la priorité africaine dans la politique d’aide française sera l’un des enjeux essentiels de cette réforme. De fait, c’est sans aucun doute pour répondre aux inquiétudes et réticences, que de nombreux chefs d’État africains ont toujours montrées à l’encontre de tels projets de réorganisation de la coopération française, que cette fois la notion de zone de solidarité prioritaire a été mise en avant. Au total, en tout cas, on constate que l’aide publique bilatérale française continue de représenter plus des trois quarts du total de l’APD (27,8 milliards de francs contre 8,9 milliards en 1997 pour la part multilatérale), et que l’Afrique subsaharienne, avec 12,6 milliards de francs, reste de loin la région la plus favorisée par cette aide publique bilatérale. Comparée aux autres grands pays de l’OCDE, la France reste aussi le plus gros pourvoyeur d’aide à cette région : 2 fois plus que l’Allemagne, 2,5 fois plus que le Japon, 4 fois plus que le Royaume-Uni ou les États-Unis, 8 fois plus que l’Italie et environ 10 fois plus que le Canada.
L’un des volets notables de cette réforme réside dans la réorganisation importante du dispositif de coopération militaire avec les pays africains de « l’ex-champ ». Elle intervient dans un contexte plus global d’évolution de la politique militaire française à l’égard du continent africain. Dans le domaine administratif, la Mission militaire de coopération (MMC), qui gérait au sein du ministère de la Coopération l’aide militaire à l’Afrique, est supprimée. Ses services sont transférés dans une nouvelle direction de la coopération militaire et de défense, rattachée à la direction générale des affaires politiques et de sécurité du ministère des Affaires étrangères. Elle reprendra les compétences de la MMC et celles de la sous-direction de l’aide militaire du ministère qui s’est occupé de la coopération militaire française « hors champ », c’est-à-dire essentiellement dans les pays du Maghreb et du monde arabe ainsi que dans les pays d’Europe de l’Est. Pour ce qui concerne l’Afrique, elle devra faire évoluer la coopération militaire française dans le sens des grandes orientations nouvelles définies ces dernières années, et en particulier en 1997 et 1998 à la suite des grandes réformes engagées dans la politique française de défense. La principale mesure concerne la réduction des effectifs des forces françaises présentes en Afrique à environ 5 600 hommes en 2002, avec une proportion nettement plus importante d’effectifs tournants et un regroupement autour de Djibouti à l’est, du Tchad (où le dispositif Épervier devra changer de statut) et du Gabon au centre, et du Sénégal et de la Côte d’Ivoire à l’ouest.
Ce redéploiement à la baisse, recentré sur une politique quasi systématiquement non interventionniste dans les conflits et les crises africains, s’accompagne d’un effort de plus en plus grand en faveur du renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, et notamment de l’organisation d’exercices multinationaux réguliers dans chacune des grandes sous-régions du continent, du type de l’exercice Guidimakha organisé en février-mars 1998 en Afrique de l’Ouest. Dans les trois domaines traditionnels de la coopération militaire avec l’Afrique, ces évolutions vont, dans les nouvelles structures, continuer d’avoir des effets notables au cours des prochaines années.
Dans le domaine de la formation, l’évolution du format des écoles militaires françaises due à la réduction des effectifs oblige à diminuer sensiblement le nombre de places disponibles pour les stagiaires étrangers, en particulier africains ; 916 élèves et stagiaires africains ont pu être accueillis en 1998. Cette capacité devrait être réduite de moitié d’ici 2002. L’objectif prioritaire est de compenser cette baisse importante par un appui soutenu au développement des écoles de formation régionales en Afrique qui pourront progressivement recevoir un nombre de stagiaires au moins proportionnel à la réduction des capacités d’accueil en France. Six nouvelles écoles à vocation régionale seront créées ou développées en 1999 : à Ouagadougou (Burkina Faso) pour le soutien des matériels, à Zambakro en Côte d’Ivoire pour le maintien de la paix, à Thiès (Sénégal) pour la formation d’officiers, à Garoua (Cameroun) pour le pilotage, à Awae (Cameroun) pour le maintien de l’ordre, et à Porto Novo (Bénin) pour la police judiciaire. Au total, déjà en 1998, 269 stagiaires ont été formés dans ces écoles régionales ; 300 de plus devraient l’être en 1999.
Même tendance à la baisse pour ce qui concerne les effectifs de l’assistance militaire technique : 940 militaires français en 1989, 570 en 1998 et 506 effectifs budgétaires prévus en 1999, qui seront répartis pour la plupart entre le Tchad (46), le Cameroun (42), la Côte d’Ivoire (40), la Mauritanie et le Niger (39 chacun), le Gabon (35), Djibouti (32), le Sénégal (30).
Pour le troisième volet, l’aide en matériel et infrastructure, le niveau des crédits sera maintenu à 180 MF pour les 22 pays africains (plus le Cambodge) qui en bénéficient. Une part de ces crédits est affectée aux travaux de construction des écoles régionales et à l’équipement d’unités destinées à participer à des opérations internationales de maintien de la paix. Les plus gros bénéficiaires de cette aide en matériel en 1999 devraient être le Tchad, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Cameroun. ♦