En quelques traits l’auteur, historien, dessine une réalité qui ne saurait exclure la guerre du champ de la réflexion stratégique française, d’autant que de nouvelles sources de conflits pointent. Il estime que le cadre de l’Otan est aujourd’hui pertinent même si c’est ailleurs, du côté de l’engagement océanique, de la posture nucléaire et de la souveraineté industrielle que l’essentiel se joue, si l’on veut échapper à l’impuissance.
Stratégies d’avenir
Future strategies
In a few lines the historian Ludovic Woets sketches out the reality that prohibits the exclusion of battlefield warfare from French strategic thinking, particularly given its presence in new sources of conflict. He considers that NATO’s structure remains pertinent today if we wish to avoid becoming powerless, even though its major policies still depend on an oceanic commitment, nuclear posture and industrial sovereignty.
Au risque de décevoir, je vais tenter, simplement, en tant qu’historien, de définir les lignes de forces et de tensions d’une politique de défense à venir. Les questions qui se posent à l’historien sont de trois natures : quelles sont les modifications géopolitiques auxquelles nous assistons ? De quels moyens disposons-nous pour y faire face ? Quelles sont les perspectives et les volontés à mettre en œuvre ?
La France fait face à des mutations importantes : une remise en question du système financier planétaire (la crise, c’est d’abord et avant tout le bruit du changement car elle liquide le passé et permet la construction du neuf) ; une remise en cause complète des modèles économiques (européen, américain mais aussi chinois) et leur nécessaire réinvention (là se posent aussi les questions de la place et des compétences des élites qui doivent permettre cette réinvention et non de cristalliser l’immobilisme) ; la poursuite des phases de mondialisation et dé-mondialisation avec leurs implications géopolitiques et leurs conséquences, lourdes en termes de reclassement de puissance (dont les révoltes arabes comme la guerre en Libye constituent un temps parmi d’autres) ; une crise du système de décision politico-militaro-diplomatique des pays occidentaux ; et le double constat d’un environnement géopolitique (re)devenu dynamique, avec, le retour de la guerre au cœur des relations internationales.
Faire et refaire la guerre
Et là n’est pas le plus anodin. Dans le contexte géopolitique d’une société internationale régie et constituée d’États, le principe d’usage du recours à la force est à l’origine de la notion de défense. Or, les États ne sont plus maîtres de la guerre. Parce que les Occidentaux se sont laissés entraîner malgré eux dans des opérations militaires camouflées sous cet extraordinaire concept d’interventions humanitaires qui, près de vingt ans plus tard, les met face à la réalité de guerres dures dont ils ne voulaient plus entendre parler et face auquel, tant sur le plan des capacités que sur le plan psychologique, ils sont mal préparés. Cette situation, refaire des guerres alors même que nous y sommes mal préparés, est sans doute le plus lourd tribut à payer au concept actif développé après la chute du mur de Berlin : la fin de l’Histoire ! La transformation de la conflictualité impose au niveau politico-stratégique de rechercher la combinaison de lignes stratégiques transversales recouvrant la globalité des activités d’une société. C’est aussi la conséquence de ce que les Européens, ces vingt dernières années, avec sincérité et une certaine légitimité, sous l’œil parfois ironique des Américains, ont développé comme conception nouvelle des règles devant désormais régir les relations internationales dans un monde de progrès civilisés : l’idée que désormais le droit prédomine sur la puissance ; la discussion et le compromis, sur la force.
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