Russie - Quelle Union pour l’Eurasie ?
Les vues exprimées dans cet article sont personnelles et n’engagent pas la Banque européenne pour la reconstruction et le développement où travaille l’auteur.
L’Union européenne affronte peut-être une des plus graves crises de son histoire mais son modèle d’intégration continue néanmoins à faire des émules. Dans un article publié le 4 octobre 2011 dans les colonnes d’Izvestia, Vladimir Poutine a d’abord qualifié « d’historique » la mise en place en janvier 2012 de l’Espace économique commun (EEC) entre Russie, Kazakhstan et Biélorussie, avant d’appeler à voir plus loin et à fonder une véritable Union eurasiatique. Un projet qui s’inspire directement de l’UE, par l’idée de rapprocher tout d’abord les économies nationales des anciennes républiques socialistes afin de (re)créer des solidarités de fait et d’édifier un nouvel ensemble supranational destiné à devenir l’un des pôles du monde contemporain. L’enjeu est de taille et cette publication constituait d’ailleurs la première grande intervention publique du Premier ministre russe depuis l’annonce de sa candidature officielle à l’élection présidentielle de 2012. Difficile en outre de ne pas voir en ce projet un clin d’œil à l’Histoire, alors qu’il y a exactement vingt ans s’effondrait l’URSS et que cet anniversaire n’a guère été célébré par Moscou. Ce qui amène inévitablement à s’interroger sur la véritable nature du projet.
À la lecture de l’article de Vladimir Poutine, la réponse semble claire : les références à la construction européenne sont omniprésentes et les différences avec le projet soviétique explicitement énoncées. D’emblée, citoyens, entreprises et consommateurs sont placés au cœur du dessein. La libéralisation des échanges doit être maximale, au contraire de l’URSS où la célèbre « propiska », ce tampon dans le passeport, assignait les habitants à leur lieu de résidence et leur interdisait d’en déménager. La liberté de circulation des biens et des personnes est donc énoncée comme principe de base, les accords de Schengen comme le modèle à suivre. L’Union douanière Russie-Biélorussie-Kazakhstan a d’abord été inaugurée en janvier 2010, avec l’objectif de supprimer droits de douane et restrictions économiques aux échanges dans l’espace douanier commun (certaines restrictions restant possibles) et d’introduire un tarif douanier commun pour les marchandises venant de pays tiers. Depuis juillet 2011, tous les contrôles douaniers sont exercés aux frontières extérieures de cette Union et à partir du 1er janvier 2012, les trois pays mettront donc en place un véritable espace économique commun. Cette nouvelle zone de libre-échange est envisagée comme le noyau à partir duquel ses États-membres progresseront vers davantage d’intégration économique et monétaire pour ensuite constituer une véritable union économique. La construction doit être « moderne », ouverte à tous les États et particulièrement aux anciennes Républiques soviétiques membres de la Communauté des États indépendants (CEI) (1). À compter de janvier 2012, une Cour de Justice arbitrera les litiges en matière de concurrence et des commissions travailleront à édifier une politique commune en matière de macro-économie, concurrence, agriculture, transport, etc.
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