Espace - Les conséquences militaires de la perte de capacités spatiales
Cette chronique présente les résultats d’un travail dirigé par le colonel Iñaky Garcia-Brotons dans le cadre du séminaire d’expertise spatiale organisé par le Centre d’études stratégiques aérospatiales (Cesa) sous l’égide du Commandement interarmées de l’Espace (CIE). Le point de départ de la réflexion a été l’examen des opérations menées ces dernières années par l’armée française, tant dans des théâtres extérieurs (Fias, Harmattan, Finul, Licorne, Atalante, Somalie, Niger…) que sur le territoire national (lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane). Cela permet ainsi de prendre la mesure de l’importance des capacités spatiales sur l’ensemble du cycle opérationnel. Les premiers retours d’expérience de l’opération Harmattan mettent en effet en relief la prééminence du spatial tant au niveau de la planification (utilisation de la cartographie satellitaire et des modèles numériques de terrain, renseignement optique et radar…) que de la préparation (renseignement opératif, météo, ciblage) et de la conduite des opérations (guidage GPS, systèmes de communication, datalinks…).
De nature essentiellement aéromaritime, l’opération Harmattan s’est en effet articulée autour de l’utilisation massive et continue de l’espace comme facilitateur capacitaire, capable de mettre en réseau les différents moyens employés dans le respect des contraintes opérationnelles et politiques d’une telle opération. De manière générale, il est possible d’affirmer que la perte de capacités spatiales aurait profondément modifié la physionomie de l’opération (efficacité moindre des frappes aériennes, ralentissement de la boucle décisionnelle et du tempo opérationnel, risque accru de dommages collatéraux et de pertes humaines au sein de la coalition), avec la possibilité réelle d’une conséquence sur la nature même du conflit et sur sa durée (1).
Toujours pour les opérations, l’Afghanistan met en évidence l’importance du spatial pour appréhender les spécificités géographiques et opérationnelles du théâtre. Les dimensions et le caractère montagneux et escarpé du territoire afghan nécessitent en effet le recours aux liaisons satellites pour les communications intra et inter théâtre de toutes les emprises de la Fias (HQs, FOBs, OMLTs), comme pour l’utilisation des drones « au-delà de la ligne d’horizon » et la persistance d’observation. En outre, l’ensemble des moyens d’écoute électromagnétique, essentiels pour les actions des forces spéciales et l’élimination des cibles cruciales, les high-value targets, ne peuvent être envisagés sans recours à l’Espace. Enfin, la durée de l’opération imposant des temps de déploiement long pour le personnel de la force, les moyens de soutien aux troupes par le recours aux satellites deviennent essentiels. En Afghanistan, la perte de capacités spatiales aurait ainsi pour conséquence de réduire les ambitions militaires et politiques d’une opération dont le caractère complexe et protéiforme s’accorde déjà mal de toute carence capacitaire.
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