Diplomatique
Le mois de mars s’était clos sur une déclaration de M. Neville Chamberlain, Premier ministre du Royaume-Uni, aux Communes, dont l’auteur a dit lui-même « qu’elle marquait un nouveau point de départ, et même une nouvelle période de la politique étrangère de son pays », Le mois d’avril s’est ouvert par un autre discours du ministre britannique, aussi important que le premier. Le 31 mars, le chef du Gouvernement de Londres avait fait connaître que, si la Pologne était menacée dans ses intérêts vitaux, et qu’elle entendit résister à une telle menace, la France et l’Angleterre viendraient immédiatement à son aide, avec toutes leurs forces. Le 3 avril, il déclarait que l’action envisagée dans son précédent discours ne se produirait pas en faveur de la seule Pologne, mais s’étendrait à tout pays dont l’indépendance serait en bulle à l’agression d’une puissance, dont la politique tendrait à dominer le monde par la force.
Pour mesurer l’importance du changement qui s’est produit dans l’attitude de la Grande-Bretagne, il suffit de se reporter à un autre discours retentissant, celui que M. Chamberlain avait prononcé le 24 mars 1938. Il s’agissait alors de la Tchécoslovaquie : le Premier ministre expliquait que, même si une agression contre cet État obligeait la France à lui venir en aide, « la Grande-Bretagne ne pouvait donner la garantie préalable de son intervention », Et il ajoutait : « Le Gouvernement de Sa Majesté prend bonne note, sans les sous-estimer le moins du monde, des assurances que lui a données le Gouvernement allemand. » Les raisons du changement survenu dans la politique anglaise ? Il n’y en a qu’une, mais elle est considérable : c’est la violation flagrante, par M. Hitler, des engagements qu’il avait pris à Munich. Jusqu’à preuve contraire, les ministres britanniques avaient voulu tenir le Führer allemand pour un partenaire loyal, sur la parole duquel on pouvait compter ; bien plus, M. Chamberlain s’était lui-même porté garant de cette parole devant le Parlement et devant le pays anglais. L’entrée des troupes allemandes à Prague et l’incorporation de la Moravie et de la Bohême au Reich, sous le couvert illusoire d’un protectorat (15 mars 1939) ont soulevé à Londres un mouvement de colère et d’indignation. Les hommes politiques qui avaient approuvé sans réserve l’accord de Munich ont été les premiers à protester contre la mauvaise foi de M. Hitler et à exiger du Cabinet un changement d’attitude immédiat et radical. Bientôt après, les sommations adressées à la Pologne, puis les accords passés avec la Roumanie trahissaient, chez les dirigeants du Reich, le dessein d’étendre l’hégémonie allemande au nord-est et au sud-est de l’Europe. Enfin, le 7 avril, l’agression italienne contre l’Albanie — opération concertée entre les deux puissances de l’axe Rome-Berlin et exécutée en violation des accords anglo-italiens du 16 avril 1938, — a mis le comble à l’exaspération britannique. L’opinion publique tout entière s’est soulevée contre les dictateurs et a manifesté sa volonté d’en finir avec l’état d’inquiétude et de menace permanente où leur politique avait réduit l’Europe. On peut dire que le peuple anglais n’a pas seulement soutenu le Cabinet dans ce renversement de sa politique, mais qu’il l’y a entraîné et qu’au besoin il l’y aurait contraint.
Reste à définir les conséquences de la nouvelle politique anglaise, à laquelle notre propre politique est étroitement liée. Elles sont considérables. La Grande-Bretagne, qui jusqu’alors s’était montrée rebelle à tout engagement touchant l’Europe orientale et sud-orientale, a contracté vis-à-vis de plusieurs États situés dans cette partie du continent des obligations précises, auxquelles elle ne peut plus se soustraire. Elle est désormais liée à la Pologne par la promesse d’une garantie réciproque. Conjointement avec le Gouvernement français (déclarations du 13 avril), le Gouvernement britannique a étendu à la Roumanie et à la Grèce la garantie de son assistance en cas d’agression. Enfin Londres a entamé avec Moscou des négociations tendant à s’assurer le concours de l’Union soviétique, en vue d’opposer une barrière efficace à toute nouvelle entreprise d’hégémonie ; et, à l’heure où nous écrivons, on annonce que ces négociations seraient sur le point d’aboutir.
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