Coloniale
Comment reprendre cette chronique sans jeter d’abord un regard sur ces dernières années, moins pour rappeler les événements qui les ont jalonnées, que pour considérer et comme pour mesurer l’évolution que l’Empire a suivie pendant cette longue période où il a vécu, séparé de la Métropole ?
Et comment ne pas s’émouvoir que nous puissions parler encore de l’Empire ?
Après l’effondrement de 1940, après la plus terrible crise que la conscience et l’unité françaises aient connue, comment cet Empire si incommodément hétérogène, ne s’est-il pas disloqué sous le choc ? Comment expliquer que les réflexes nationaux, les réactions salvatrices se soient produits, dans les membres les plus lointains, les plus impuissants en apparence, de ce vaste corps ? Ce n’est pas notre propos de chercher ici des réponses à ces questions. On pourrait en donner plusieurs qui, toutes probablement, seraient incomplètes. On ne saurait plus se contenter des lieux communs de l’autre guerre : excellence de nos cadres, de nos méthodes de colonisation, attachement à notre culture. Tout cela est sans doute vrai en partie, mais en partie seulement. Ne serait-ce pas plutôt que les colonies étaient parvenues à un degré plus avancé d’évolution que nous ne le soupçonnions en 1939 ? Non qu’elles fussent tellement plus occidentalisées. Simplement elles étaient, humainement, et si l’on peut dire spirituellement, plus évoluées qu’on ne le pensait. Peut-être avaient-elles pris, confusément, bien sûr, et sans se le formuler à elles-mêmes, conscience de ces valeurs qu’on appelle liberté, dignité humaines. En sorte que ces réflexes, ces réactions qui les ont, les unes après les autres, poussées vers le mouvement de la Libération nationale, n’étaient en grande partie que des réflexes, des réactions d’autodéfense. Sans doute, certaines d’entre elles ont-elles été beaucoup plus lentes à se rallier. Mais quand on connaîtra plus en détail l’histoire de ces années douloureuses, on verra sans doute que l’Afrique occidentale française (AOF), Madagascar, l’Indochine, les Antilles, ont eu les mêmes réflexes, mais qu’ils ont été neutralisés.
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