Maritime
À mesure que le rapatriement et la démobilisation des forces engagées dans le conflit mondial approchent de leur terme, les puissances maritimes concentrent davantage leur attention sur le règlement des multiples questions posées par le retour à l’état de paix, questions internationales comme le sort à réserver aux flottes désarmées de l’ennemi ou la révision éventuelle du régime des détroits turcs, mais aussi et surtout questions de réorganisation intérieure, affectant l’importance et la composition des effectifs à maintenir, le commandement, etc.
Il n’en est cependant pas tout à fait ainsi en ce qui concerne la France dont la marine continue à opérer, en Cochinchine, aux côtés des forces terrestres et aériennes. On sait avec quel soulagement le Richelieu et le Triomphant avaient été accueillis à Saïgon. La situation n’a fait que s’améliorer depuis, grâce à l’arrivée successive des croiseurs Gloire et Suffren, du paquebot Ville-de-Strasbourg et du porte-avions Béarn qui transportaient d’importants contingents de la 2e Division blindée (DB), enfin des avisos Gazelle et Annamite et du destroyer d’escorte Somali, plus particulièrement aptes aux opérations fluviales à cause de leur faible déplacement. C’est ainsi que la Gazelle s’est distinguée au cours des engagements qui ont conduit à la prise de Mytho, Bien-Hoa et Gocong les 27 et 28 octobre. À quatre-vingt-cinq ans de distance, l’histoire recommence. Si longue doive être la pacification, il n’est guère douteux aujourd’hui que la propagande du Viet-Minh, qui ne paraît pas avoir mordu sur le Cambodge ni le Laos, n’a pas reçu non plus l’assentiment du gros de la population annamite.
Des difficultés d’un autre ordre attendent la marine française en Europe. Les « Trois Grands », seuls qualifiés aux termes des accords de Potsdam pour décider de la destination à donner aux bâtiments survivants de la flotte de guerre allemande (2 croiseurs, 14 contre-torpilleurs de 1 870 tonnes et 12 torpilleurs de 1 100 t, 111 sous-marins en majorité de petit tonnage, 90 000 t de navires auxiliaires, en tout 140 000 t), n’ont pas fait droit jusqu’à présent à nos revendications sur une partie de cette flotte. Ces revendications sont modestes : elles portent essentiellement sur 6 contre-torpilleurs et autant de torpilleurs, ainsi que sur 6 sous-marins de 1 600 t. Nous n’en avons pas moins un intérêt majeur à les voir aboutir, fût-ce au prix de négociations épineuses : à une époque où l’arme aérienne et la bombe atomique risquent de bouleverser les conditions de la puissance navale, l’adjonction à notre flotte décimée d’une fraction du tonnage allemand nous dispenserait de nous engager, pour la satisfaction de nos besoins les plus urgents, dans une politique de constructions neuves qui ne serait pas seulement coûteuse, mais peut-être prématurée et finalement décevante.
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