La trajectoire nucléaire militaire française montre un constant pragmatisme et une volonté de préserver à la fois l’efficacité dissuasive de l’arsenal constitué et le rang qu’il confère dans le système stratégique du monde. L’abolition de l’arme préconisée par le Président américain laisserait le champ militaire libre aux superpuissances conventionnelles.
Désarmement nucléaire : prendre la France pour modèle
Nuclear disarmament: France as a model
The path taken by the French nuclear weapon programme shows unceasing pragmatism combined with a will to maintain the deterrence capability of the arsenal and the position it accords the country in the world’s strategic structure. The abolition recommended by the US President would leave military matters open to conventional superpowers.
Depuis 1990, les scénarios de crises impliquant les armes nucléaires excluent le combat nucléaire entre grandes puissances, selon le schéma de la « destruction mutuelle assurée », un héritage des visions de la guerre froide. Ce scénario a fait place depuis vingt ans au conflit régional majeur impliquant l’usage éventuel d’armes nucléaires ou encore celui de l’acte terroriste avec arme nucléaire ou radiologique.
L’arme nucléaire n’est donc plus synonyme d’apocalypse ou de disparition de l’humanité. Mais c’est bien parce qu’elle est un instrument aux effets terrifiants et persistants, du fait des radiations, qu’elle reste, dans les mains des cinq grandes puissances détentrices, toujours un facteur de paix : la guerre n’est plus une option car quelques bombes suffiraient à anéantir l’essence même d’une nation. La démonstration avec deux bombes sur le Japon en a été donnée en 1945 (1) de manière magistrale. Cette approche de la dissuasion reste pertinente puisqu’elle décrit le sort réservé à un État qui prendrait le risque suicidaire d’avoirs recours à l’arme nucléaire face à un autre qui dispose de capacités de riposte équivalente ou supérieure.
Depuis l’apparition de la nouvelle arme, le débat sur son abolition n’a pas cessé. Aujourd’hui ne convient-il pas de tenter de sortir du débat manichéen entre deux positions, celle qui prône un désarmement complet – qu’il soit immédiat comme progressif – et l’autre qui défend le maintien d’arsenaux colossaux, comme c’est le cas des États-Unis et de la Russie ? Dans ce petit club, et pour compliquer la situation, il y a aussi l’Inde et la Chine qui poursuivent le développement et la diversification de leurs arsenaux. Dans ce domaine, la France, par les multiples dimensions de sa stratégie nucléaire militaire, une stratégie de stricte suffisance et à forte crédibilité opérationnelle, a peut-être montré la voie à suivre en matière de désarmement et de stratégie nucléaire. Une chose est certaine : il faut être pragmatique et réaliste en matière nucléaire.
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