Témoins du « Printemps arabe » et soucieux de ne pas subir le sort de leurs homologues d’Afrique du Nord, les chefs d’État centrasiatiques ont promptement réagi, ciblant les réseaux sociaux et leur support. Leur inquiétude est-elle fondée ? Certes, ils connaissent les turpitudes de leurs régimes autocratiques, pauvreté, corruption, répression, qui furent autant de ferments du « Printemps arabe ». Néanmoins, les conditions ne semblent pas réunies en Asie centrale pour que les mêmes maux provoquent les mêmes effets.
Un « Printemps arabe » sur les routes de la soie ?
An Arab Spring on the silk route?
Central Asian heads of state have taken note of what has happened to their equivalents in North African countries and, to avoid suffering the same fate, have reacted promptly by targeting social networks and their support structures. Yet is their anxiety well founded? They certainly know the deficiencies of their autocratic regimes very well, as well as the poverty, corruption and repression that led to the Arab spring. Nevertheless, given the conditions in Central Asia, it is unlikely that the same problems will lead to the same effects.
À l’instar du corps humain qui active ses défenses immunitaires sitôt qu’il perçoit l’agression d’un agent pathogène, les chefs d’États d’Asie centrale resserrent systématiquement l’étau sécuritaire quand une révolution, proche ou lointaine, provoque la chute d’un régime politique identique à ceux qu’ils ont imposés dans leurs pays depuis la disparition de l’Union soviétique.
Ce fut le cas au milieu des années 2000, quand les « révolutions de couleur » en Géorgie (2003) et Kirghizie (2005), ont contraint les présidents Chevardnadze et Akaev à la démission ou bien quand en Ukraine (2004) la Révolution orange a provoqué l’annulation du scrutin présidentiel pour fraude et imposé, par décision de la Cour suprême, l’organisation d’un troisième tour, remporté par Victor Ioutchenko. Redoutant l’effet domino de ces révoltes populaires et ayant été informés par Édouard Chevardnadze du rôle clé joué par certaines organisations non gouvernementales (ONG), les Présidents centrasiatiques ont vigoureusement réagi pour contrer la fatale influence de ces dernières.
Dès janvier 2004, le président ouzbek Karimov exigea des ONG un réenregistrement auprès du ministère de l’Intérieur et créa un comité spécial pour le contrôle des fonds internationaux de ces organisations : quelques semaines plus tard, la Fondation Soros et Freedom House quittaient Tachkent. Et les effets de cette politique sont durables puisqu’en l’année 2011, Human Rights Watch a subi le même sort. Au Tadjikistan, le président Rakhmon, outre des mesures identiques, imposa aux missions diplomatiques accréditées à Douchanbé, d’informer le ministère des Affaires étrangères tadjik de leurs contacts avec les ONG. Plus soucieux de son image sur le plan international, le président kazakh Nazarbaev patienta jusqu’à la fin de la « révolution des tulipes » chez son turbulent voisin kirghize avant de placer, lui aussi, les ONG sous tutelle.
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