Aéronautique - L'Espace, une vocation pour l'Armée de l'air (II)
La navigation
Les systèmes d’armes modernes les plus performants requièrent une connaissance instantanée de la position tridimensionnelle des vecteurs avec une extrême précision. La technique spatiale permet actuellement d’obtenir la localisation d’un mobile à une dizaine de mètres près.
L’Armée de l’air ressent dans ce domaine un réel besoin. Elle envisage, en complément d’autres moyens de navigation autonomes, l’utilisation du « service de positionnement précis » que fournira le système NAVSTAR (Navigation Satellite Timing And Ranging) actuellement développé par les Américains. Ce système, qui s’appuie sur un réseau de 18 satellites orbitant à 20 000 kilomètres, devrait être opérationnel au milieu de la prochaine décennie et offrir deux types de services aux mobiles équipés d’un récepteur adapté : un positionnement standard dont l’accès serait libre et gratuit et dont la précision serait de l’ordre de la centaine de mètres ; un positionnement précis dont l’accès codé permettrait d’obtenir une précision dix fois meilleure.
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Au-delà des utilisations de l’espace déjà mentionnées, d’autres secteurs présentent pour l’Armée de l’air un intérêt majeur. Celle-ci devra donc en tirer le meilleur parti dans un avenir plus ou moins proche en fonction de l’évolution de l’état de l’art et des contraintes budgétaires. Il s’agit en particulier de la météorologie, de l’alerte avancée, de la reconnaissance tout temps et des vols habités.
La météorologie
La diffusion des informations météorologiques émanant de satellites civils du type Météosat serait très certainement interrompue en cas de conflit, voire en cas de crise grave en Europe. En effet, ces informations non chiffrées ne sauraient être dispensées à un adversaire déclaré ou potentiel. Il n’en demeure pas moins que la connaissance de la situation météorologique est une nécessité opérationnelle fondamentale pour les armées. L’Armée de l’air en particulier doit opérer le choix de ses objectifs et définir des itinéraires de pénétration pour obtenir le rendement optimum de ses systèmes d’armes.
La France, vraisemblablement dans le cadre d’une coopération internationale avec ses alliés, devra donc se lancer à terme dans un programme de satellites météorologiques militaires. À défaut, elle pourrait éventuellement rechercher dans ce domaine une association avec les États-Unis qui ont développé dans le même but le réseau DMSP (Defense Meteorological Satellite Program).
L’alerte avancée
La surveillance de l’espace et l’appréciation de la menace spatiale, réalisables dans un contexte de coopération internationale eu égard aux coûts prévisibles et aux importants progrès technologiques nécessaires, sont des impératifs pour notre défense.
L’Armée de l’air est responsable de l’évaluation de la menace dans la troisième dimension. Il importe qu’elle améliore sa capacité à y établir la situation en se dotant rapidement des moyens de traitement, d’analyse et d’exploitation des données d’origine spatiale qu’elle obtient de diverses sources. Elle devra d’ailleurs disposer à terme d’un système d’orbitographie et de trajectographie adapté à l’ensemble des objets susceptibles d’évoluer dans l’espace. Les deux Grands disposent déjà de possibilités de calcul des trajectoires de satellites et de missiles (systèmes optiques, antennes de poursuite, radars transhorizon).
Dans le cadre de notre concept de dissuasion, le satellite d’alerte avancée, placé en orbite géostationnaire, paraît le moyen le mieux adapté à la détection des départs de missiles balistiques. Le système américain IMEWS (Integrated Multipurpose Early Warning System) est de cette nature. L’abonnement, voire la participation à un tel programme paraissent donc des moyens susceptibles d’augmenter considérablement le préavis d’attaque dont notre pays bénéficie actuellement et de permettre de minimiser et même de contrer les différentes menaces d’origine balistique qui pèsent sur nous.
La reconnaissance tout temps
Le programme Helios est appelé à connaître un successeur. Le système à envisager devra permettre l’observation de nuit, par temps nuageux, et faire appel pour cela aux capteurs infrarouges et radar. On voit immédiatement l’amélioration du renseignement qui résulterait d’une telle permanence de l’observation.
La mise au point du capteur infrarouge demandera néanmoins un effort technologique important mais ne semble pas hors d’atteinte à long terme. Les Américains paraissent avoir déjà maîtrisé, au moins partiellement, ce problème. En revanche, il n’existe à ce jour aucun équipement radar embarqué sur un satellite militaire opérationnel, à l’exception du système soviétique Rorsat (satellite radar de surveillance maritime) dont la mission ne nécessite pas des performances à la hauteur de celles qui nous intéressent ici. En fait, de tels systèmes se heurtent à deux difficultés majeures : la qualité de l’image fournie qui doit permettre l’identification ; l’énergie requise à bord qui, étant donné la puissance demandée par un radar, nécessite de disposer d’un générateur nucléaire.
Les Américains prévoient de placer en orbites basses un réseau de satellites radar capables de détecter les missiles de croisière et les bombardiers adverses. En Europe occidentale, aucun développement opérationnel n’est prévu avant les années 2000-2010 pour un système de cette nature. La seule réalisation envisagée à court terme concerne l’exploitation d’images provenant du satellite expérimental civil de l’Agence spatiale européenne ERS 1, dont la mise en service est prévue pour 1990.
Les vols habités
La présence déjà quasi permanente des Soviétiques dans l’espace et celle, prévisible dans des délais assez courts, des Américains, ne sont évidemment pas dénuées d’arrière-pensées militaires.
La France n’a pas encore défini d’objectifs militaires pour de telles missions. L’un d’eux pourrait néanmoins consister à donner aux spationautes la capacité de survivre, évoluer et manœuvrer dans l’espace pour pouvoir l’utiliser à des fins militaires si nécessaire et le moment venu. La vocation de l’Armée de l’air à opérer dans la troisième dimension lui confère une place de premier plan dans cette recherche d’une présence permanente de l’homme dans l’espace. Elle dispose d’ailleurs des ressources en personnels. Les deux premiers spationautes français sont issus de ses rangs et un troisième devrait voler d’ici quelque temps. Ses médecins ont aussi apporté une contribution essentielle aux expériences réalisées dans l’espace.
Si le véhicule spatial Hermès ne répond à aucun besoin militaire immédiat, il paraît néanmoins être l’étape indispensable vers un futur avion transatmosphérique dont la finalité répondrait davantage aux besoins opérationnels.
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Les plus grandes puissances de ce monde ont déjà largement lancé la course à l’utilisation militaire de l’espace. La maîtrise de l’ensemble des techniques qui y concourent devient une obligation impérieuse pour l’avenir de notre pays et la sauvegarde de son indépendance. Notre présence dans l’espace conditionne chaque jour un peu plus notre capacité à appréhender toute situation sur la planète et les menaces associées. Elle est de nature à augmenter et améliorer notablement nos possibilités d’action sur un théâtre européen comme dans le cadre plus limité des interventions extérieures.
L’Armée de l’air participe activement aux divers programmes spatiaux par vocation et par nécessité. Prolongement du domaine aérien, l’espace constitue pour elle un champ d’action naturel. Déjà investie de responsabilités dans la mise en œuvre du système d’observation Helios, elle cherche à profiter de toute technique spatiale susceptible de conforter ou d’étendre ses possibilités opérationnelles. En se tournant résolument vers l’utilisation de l’espace, elle a commencé à se doter de moyens chaque jour plus indispensables à l’accomplissement de sa mission. ♦