Afrique - Afrique australe : le prix de la paix - L'évolution des armées africaines
Le Prix Nobel de la paix a été attribué, le 16 octobre 1984, à Mgr Desmond Tutu, évêque anglican et président du Conseil sud-africain des Églises, personnalité qui s’est toujours présentée comme adversaire de la politique de « développement séparé » mais qui, pour la combattre, ne consent qu’à approuver les pressions non-violentes sur la population blanche, que celle-ci soit d’origine britannique ou boer. La première critique voire condamne, des méthodes de gouvernement, dont elle sait qu’elle profitera malgré tout sans en être tenue pour responsable par l’opinion internationale, alors que l’attitude de la seconde, qui demeure repliée sur un sentiment de spoliation qu’elle a connu durant un siècle, sans être justifiée, paraît plus compréhensible.
Mgr Tutu, né dans une ville noire du Transvaal, au Nord de l’Afrique du Sud, et fils d’un instituteur que les Portugais auraient classé parmi les « assimilés », est l’exemple même de ces « noirs urbanisés », complètement « détribalisés », à qui le régime de l’apartheid, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, n’accorde que la citoyenneté d’un lointain bantoustan indépendant ou aspirant à l’être. Des familles entières sont ainsi considérées comme immigrantes sur un territoire où elles vivent depuis plusieurs générations. Contrairement à ce qui se passe dans le reste du monde, ces immigrants ne peuvent espérer obtenir une naturalisation, autrement dit fis savent qu’ils ne bénéficieront jamais des droits qui leur permettraient de participer à la vie politique du seul pays où ils sont vraiment enracinés. Malgré tout, depuis quelques années, ces noirs, toutes origines ethniques confondues, sont (ou seront) habilités à participer à la gestion des affaires municipales des cités dans lesquelles ils sont cantonnés mais qui ne constituent jamais des centres d’activités économiques. On touche ainsi à l’ambiguïté du pragmatisme de Pretoria quand il est destiné à rassurer l’opinion étrangère : les noirs, selon le parti national, seront conduits à gérer leurs propres affaires que ce soit dans les bantoustans ou dans les zones urbaines ; aucun observateur de bonne foi – dit-on – ne saurait affirmer le contraire.
On pourrait seulement remarquer, avec un soupçon d’ironie, que les principes de l’apartheid ne seront plus respectés dans les cités noires, puisque les comités de gestion seront l’émanation de toutes les ethnies qui composent la population, amalgame dont la légitimité et l’efficacité sont officiellement contestées sur le plan national. Le développement séparé reconnaît l’unité des communautés indienne, métisse et blanche bien que celles-ci ne soient pas homogènes, mais il a fractionné la communauté noire, la plus nombreuse, en neuf parties soupçonnées d’être incapables de s’unifier. Tôt ou tard, des regroupements d’intérêts locaux dans un premier temps, regroupements qui adopteront, en s’affinant, des tendances idéologiques, permettront de dépasser les clivages ethniques au sein des municipalités. Il en est ou sera de même dans les syndicats africains. Mgr Tutu voudrait que l’assemblée des Églises unies soit le lieu d’unification des cultures, non seulement des diverses communautés noires, mais également des autres peuples constituant la population sud-africaine. En lui attribuant le prix de la paix, le jury obel a voulu, sans doute, se faire l’interprète de l’opinion occidentale qui aurait souhaité qu’un pouvoir multiracial pût être installé à Pretoria, de manière non violente, par la prise de conscience des différentes communautés qu’elles forment une nation dotée d’une civilisation « syncrétique » originale et qu’elles ne peuvent demeurer, longtemps encore, les « conservatrices » de cultures qui tendent de plus en plus à devenir « étrangères » dans un pays en plein développement économique.
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