Nuclear disengagement in Europe
Ce livre contient les versions révisées de communications faites à un symposium de Pugwash tenu à Oslo en mai 1982 et intitulé : « Initiatives nordiques pour des limitations d’armements en Europe ». L’ensemble est présenté par un membre du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) qui est en même temps président du groupe norvégien de Pugwash assisté par le rédacteur en chef du Bulletin of Peace Proposals du SIPRI. L’ouvrage est constitué de 18 articles discutant des voies et moyens permettant d’établir des zones dénucléarisées en Europe.
Les auteurs de ces articles sont des Scandinaves comme Saeter et B. Hugemark, un Polonais (J. Wiegacz), deux Bulgares, des Finlandais, Suisses, Italiens mais aussi des Américains (S. Miller et C. Jacobsen) et Walter Schülze de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Une première partie, rédigée par S. Lodgaard, sert d’introduction, la deuxième étant constituée par 5 articles traitant du « désengagement nucléaire » en Europe, le but recherché étant de créer une zone dénucléarisée formant tampon entre les 2 alliances du sud au nord. Les objectifs poursuivis pour l’instauration de ce genre de zone sont politiques et militaires. En particulier la dénucléarisation des 2 Allemagnes est considérée comme un préliminaire nécessaire avant leur réunification et même leur neutralisation. La stratégie de l’Otan, considérée comme reposant de façon exagérée sur l’emploi des armes nucléaires, serait profondément modifiée pour adopter une raumverteidigung qui n’est guère que de la non bataille type Brossolet revue et corrigée à la sauce germanique, complétée par la panacée de l’heure, l’AirLand Battle.
La largeur même de la bande dénucléarisée n’est pas sans poser de nombreux problèmes à ses protagonistes : elle doit en effet être « suffisamment étroite pour être politiquement acceptable et assez large pour avoir une signification militaire ». Malheureusement cette dernière dépend des caractéristiques des armes en service et sera donc variable dans le temps. D’ailleurs une zone large de 150 kilomètres de chaque côté du rideau de fer n'exclurait pas les armes tactiques ayant une portée égale ou supérieure à 300 km (Scud-B, Pershing 1A, SS-22 et SS-23, Hadès) et l’on verra une évolution tendant à faire rentrer ces armes dans le domaine de celles qui tombent sous le coup des négociations FNI (Forces nucléaires intermédiaires). Or une bande de 150 km couvre déjà la moitié de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et une bande de 300 km la totalité de ce pays, ce que celui-ci ne peut admettre.
La troisième partie de l’ouvrage est consacrée aux facteurs qui interviennent pour la mise sur pied d’une zone dénucléarisée couvrant la péninsule scandinave. Il s’y mêle de difficiles problèmes du fait de l’importance stratégique des mers adjacentes. S. Miller, qui est américain, insiste sur le problème de la sécurité des voies maritimes en Atlantique nord qui est primordiale pour les États-Unis. D’un autre côté, la mer de Norvège et la mer de Barents voient passer les sous-marins stratégiques soviétiques. En cas de guerre, le flanc Nord pourrait donc devenir un théâtre majeur d’opérations maritimes. C. Jacobsen, lui aussi américain, montre l’effort accompli par les Soviétiques dans l’Arctique, 70 % de leurs sous-marins stratégiques se trouvant dans la flotte du Nord. Il en conclut que la Norvège pourrait bien se trouver devant un dilemme : une zone dénucléarisée conduisant au neutralisme ou le renforcement des liens avec l’Otan, sans pouvoir rester dans une situation de semi-neutralité. De son côté, B. Hugemark, qui est suédois, se demande si une dénucléarisation de la zone Nord contribuerait à augmenter la sécurité de la région, il se livre à une fort intéressante étude géostratégique où il introduit la notion de ligne d’égales possibilités d’opérations aériennes (cette ligne sépare les zones où chaque pays jouit d’une bonne possibilité d’emploi d’avions assez vulnérables : AWACS, avions de patrouille maritime, ravitaillement en vol, etc.). Pour lui la conquête de la péninsule Scandinave par les Soviétiques amène un déplacement important de cette ligne au détriment des Occidentaux. L’examen d’un certain nombre de scénarios le conduit à penser que la plupart des scénarios nucléaires se déroulent en dehors de la zone Nord et que sa dénucléarisation est de peu d’importance sauf dans certains cas particuliers : mise en place d’armes nucléaires à longue portée en Norvège et au Danemark, sous-marins stratégiques en Baltique, survol de la péninsule scandinave par des missiles de croisière. C’est l’Union soviétique qui a le plus l’intérêt à changer la situation géostratégique, mais en résulte-t-il que les pays nordiques sont moins en danger d’un chantage nucléaire que les nations du théâtre Centre-Europe ?
La dernière partie du livre est composée d’articles faisant des propositions pour l’établissement d’une zone dénucléarisée sur le flanc Nord. Nombre de problèmes sont ainsi soulevés, comme celui de la délimitation de cette zone qui doit couvrir une partie de l’espace maritime adjacent. Il faut aussi que les pays extérieurs à la zone s’engagent à respecter sa dénucléarisation et que l’on puisse procéder à des vérifications. Le dernier article est un acte de foi dans l’efficacité de mouvements de désarmement unilatéral pour amener l’Est à plus de modération politique et à une plus grande libéralisation interne.
Comme on pouvait s’y attendre, on trouve ainsi dans ce livre un mélange de vœux pieux et d’extraordinaires naïvetés avec des informations et des réflexions fort intéressantes même quand elles sont fort discutables. ♦