Diplomatique - Les entretiens de Moscou - Les accords franco-britanniques - La crise de l'Azerbaïdjan
Le 15 décembre 1945 s’est ouverte une nouvelle conférence des ministres des Affaires étrangères représentant les principales Nations unies. Ils étaient cinq à Londres ; à Moscou, ils ne furent que trois, les Grands qui, encore une fois, confrontèrent leurs vues et s’efforcèrent d’aplanir le chemin rude et semé d’embûches qui doit conduire le monde à la paix. L’échec de la Conférence de Londres avait profondément déçu l’opinion publique dans tous les pays. Les entretiens de Moscou n’ont éveillé que de faibles espoirs : M. Bevin ne déclarait-il pas lui-même, au moment de partir pour la Russie, qu’il ne fallait pas trop attendre de cette nouvelle rencontre ? Néanmoins, s’il n’en devait rien sortir, la seconde déception serait plus grave que la première et l’on en viendrait à mettre en doute l’efficacité d’un système qui, en face de problèmes urgents, ne fait apparaître aucune solution. Les cinq principales Nations unies ont assumé, vis-à-vis des autres et du monde entier, une lourde responsabilité ; celle des Trois Grands fut plus lourde encore, étant moins divisée. L’échec de Moscou, après celui de Londres, n’eût plus laissé d’autre recours que de s’en remettre, pour résoudre les problèmes nés de la guerre, à l’organisation des Nations unies.
L’ordre du jour de Moscou ne fit l’objet d’aucune publication, et la presse française en fut rigoureusement tenue à l’écart. L’Europe, l’Orient-Moyen et l’Extrême-Orient offraient des thèmes de discussion assez nombreux et assez importants pour occuper une conférence que la question de l’énergie atomique n’absorba certainement pas tout entière. La France ne peut se désintéresser d’aucun des problèmes qui furent évoqués à Moscou : qu’il s’agisse des Balkans ou des Détroits, de la question arabe ou de la question juive, de l’océan Indien ou du Pacifique, elle a partout, soit des droits à faire valoir, soit des positions à sauvegarder. Mais il y a pour elle un problème qui dépasse en importance tous les autres, et que les Trois Grands ne purent, sans doute, se dispenser d’aborder, c’est celui de l’Allemagne ; et l’on comprend l’amertume que ressentit l’opinion française et l’inquiétude qu’elle éprouva à la pensée que, pour discuter ce problème essentiel, on n’a pas fait appel à l’expérience d’une nation qui a quelques raisons de bien le connaître et de s’intéresser à sa solution. Le général de Gaulle et M. Bidault traduisirent tour à tour ces sentiments légitimes avec une mesure égale et une égale dignité. Il est vrai que M. Bevin prit soin de calmer nos appréhensions en déclarant qu’« aucune résolution ne serait prise à Moscou, qui affecte des intérêts français ». De tels apaisements ne sauraient nous suffire, après les décisions de Potsdam [NDLR 2024 : Conférence du 17 juillet au 2 août 1945] : les difficultés qu’elles ont fait naître ne sont pas encore aplanies ; en verrons-nous demain surgir de nouvelles dues à la même cause ?
Les accords franco-britanniques
L’accord signé à Londres le 13 décembre par M. Bevin et M. René Massigli, ambassadeur de France en Grande-Bretagne, régla d’une façon relativement satisfaisante le différend qui opposait la France et la Grande-Bretagne en Syrie et au Liban. On sait que, dès 1941, le général de Gaulle s’était préoccupé d’obtenir du Gouvernement de Londres la reconnaissance des intérêts spéciaux que la France possède dans ces deux pays et qui, selon nos vues, devaient survivre à l’indépendance que l’Angleterre leur avait promise pour la fin des hostilités. Ce fut l’objet d’un échange de lettres, qu’on désigne ordinairement sous le nom d’« accord Littleton–de Gaulle » (25 juillet 1941). Établis sur cette base, les rapports franco-britanniques auraient pu demeurer cordiaux et confiants si la politique de Vichy n’avait brouillé les cartes et amené l’autorité militaire anglaise à prendre des mesures de rigueur à l’égard du général Dentz et de trente-cinq officiers français (7 août 1941). La tension qui en résulta fut traduite en termes énergiques par M. Winston Churchill dans une déclaration à la Chambre des Communes. « La Grande-Bretagne – dit le Premier ministre – n’a pas l’intention de substituer l’autorité britannique à l’autorité française sur n’importe quel point de la Syrie. Mais il n’est pas question que la France conserve en Syrie la situation qu’elle y avait avant la guerre. La souveraineté et l’indépendance seront restituées aux Syriens et aux Libanais sans attendre la fin des hostilités. » (9 septembre.) Deux mois après, le général Catroux, agissant au nom du général de Gaulle, proclamait lui-même l’indépendance de la Syrie et du Liban (27 novembre).
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