In memoriam - César Campinchi
Le 20 mars 1946 a eu lieu, dans la cour Estienne d’Orves du ministère des Armées, une émouvante cérémonie : la pose d’une plaque en mémoire de César Campinchi, ancien ministre de la Marine. Elle se déroula en présence de M. Edmond Michelet, ministre des Armées, de MM. Vincent Auriol et Jules Moch, de M. Duff Cooper, ambassadeur de Grande-Bretagne, des chefs d’état-major généraux des trois armées et de nombreuses personnalités militaires et civiles.
Le bâtonnier Jacques Charpentier évoqua le prestigieux avocat d’Assises ; M. Édouard Herriot retraça brillamment sa carrière politique. M. Campinchi né à Calcatogio le 4 mai 1882, vint relativement tard à la politique : élu en 1932 député de Bastia, il devint Président de la délégation des gauches et le 23 juin 1937, ministre de la Marine. Patriote éprouvé, en vue de la guerre qu’il prévoyait, il y déploya une salutaire activité, notamment pour l’achèvement et l’armement des deux grands bâtiments de combat Richelieu et Jean-Bart, et pour le développement des œuvres sociales de la Marine, tâche dans laquelle il fut secondé avec un grand dévouement par sa femme, fille de l’ancien ministre de la Marine Adolphe Landry. Il fut un « Résistant », au sens le plus noble du mot : « On ne peut engager l’avenir pour mille ans. On a toujours le temps de tout céder », s’écria-t-il, au moment de l’Armistice.
Il devait disparaître prématurément, frappé par la maladie, rongé par le souci, « par une grise matinée de février 1941 », comme le rappela M. Edmond Michelet qui termina l’éloge funèbre du défunt par d’éloquentes exhortations : « Que cette cérémonie nous soit aussi l’occasion de constater, une fois de plus, l’harmonieuse diversité des hommes qui, venus de tous les horizons, ont servi la France d’un même cœur pendant ces lugubres années que nous venons de vivre. Le nom de César Campinchi, radical-socialiste, voisinera dans cette cour d’honneur avec celui d’Estienne d’Orves qui, sans cacher son attachement personnel au régime du passé, défendit, comme lui, la France et, comme lui, lui fit le sacrifice de sa vie. Et surtout, comme Campinchi nous y invitait lui-même aux sombres jours de juillet 1940, ne désespérons jamais, jamais de notre pays. C’est ainsi que nous surmonterons tous les obstacles – et ils ne manqueront pas bien sûr ! – nous inspirant de son exemplaire ténacité, de sa jeunesse combative et des sentiments qu’il exprimait dans ses dernières pages de juillet 1940, en évoquant avec Péguy : « Cette petite fille de rien du tout qui va devant vingt fois comme un petit chien, qui revient, repart, et qui traverse le monde : l’Espérance ». ♦