La route des Indes et ses navires
Il est difficile de rendre compte, en une brève analyse, d’un livre aussi riche à tous égards, aussi bien du point de vue technique que du point de vue de l’histoire maritime et générale. En étudiant, au cours des siècles, la route des Indes et ses navires, c’est en effet toute l’histoire du bateau de haute mer que l’éminent membre de l’Académie de Marine et Attaché au Musée national d’histoire naturelle (Musée de l’homme) a réussi à résumer.
L’étude minutieuse des techniques navales a, en effet, amené l’auteur à des observations ethnographiques d’une grande valeur archéologique. Il a pu préciser, par l’étude historique du commerce et des relations maritimes depuis l’Antiquité, exposée dans les premiers chapitres, comment les peuples des mers des Indes sont entrés en contact avec les marins de la Méditerranée, d’une part, et avec l’Extrême-Orient, de l’autre, ce qui lui a donné la faculté de préciser avec une exactitude relative quelle grande aire de navigation représente cette route maritime opposée aux autres aires de navigation qui sont celles de l’Atlantique Nord ou des Vikings, l’aire chinoise ou aire du Pacifique, enfin, l’aire arctique.
De cette conclusion, fondée sur une série d’analyses souvent minutieuses, et passionnantes, il résulte que, sur la route des Indes, depuis la plus haute Antiquité jusqu’à l’époque précédent immédiatement l’actuelle, les navires de mer, qu’ils soient égéens, phéniciens, arabes ou japonais, ont un mât robuste, gros à la base, dépourvu de haubans, qui arbore une voile carrée. Celle-ci s’est conservée aux extrêmes limites de la route des Indes. Les marins qui parcourent cette dernière depuis la haute Antiquité, se sont heurtés à trois autres familles de marins auxquelles ils ne se sont pas mêlés : les Européens du Nord, les Chinois, les Océaniens.
Les marins européens du Nord semblent procéder de la tradition des Vikings. La construction navale moderne paraît descendre en ligne directe de cette dernière.
Les Chinois forment un monde maritime homogène autour duquel les marins de la route des Indes ont évolué.
Les Océaniens, découverts bien tard, ont construit des radeaux et des pirogues munis de balanciers doubles.
Par conséquent, l’unité de la culture matérielle navale tout au long de la route des Indes, ne saurait plus être discutée. On voit l’intérêt d’un pareil livre ; il touche à tous les grands problèmes relatifs à la technique et à la politique générale de l’Humanité, aux recherches fondamentales de grands spécialistes comme notre collaborateur Guilleux La Roërie, comme Haddon et Hornell. Il fait le plus grand honneur à cet incomparable centre de documentation ethnographique que constituent, enfin réunis côte à côte, au Palais de Chaillot, le Musée de l’Homme et le Musée de la Marine.