Maritime - Les évènements d'Indochine - Les crédits provisoires du premier trimestre de 1947 - Réorganisation des forces navales actives aux États-Unis
Dans les premières opérations entreprises par nos forces militaires de l’Indochine du Nord pour faire face à l’attaque générale vietnamienne déclenchée le 19 décembre 1946 (conservation et élargissement de nos positions dans les centres principaux : Hanoï, Haïphong, Nam-Dinh, Hué, Tourane ; regroupement des éléments dispersés les plus exposés et dont le maintien sur place était devenu inutile, tels les détachements de Phu-Lang-Tuong et de Bac-Ninh qui ont été repliés sur Hanoï ; rétablissement de la circulation sur les voies de communication les plus importantes : Langson–Tien-Yen, Hanoï–Haïphong), nos navires, comme il est naturel, n’ont pas été engagés aussi durement que les troupes de terre. Néanmoins, dès avant les « vêpres hanoïennes », le navire-atelier Jules-Verne et la frégate Croix-de-Lorraine ont eu maille à partir avec des batteries d’artillerie en rivière de Haïphong, mais sans subir d’avaries (12 et 14 décembre 1946). Nos avisos coloniaux ont contribué à repousser de fortes attaques dirigées contre nos lignes, le Dumont-d’Urville à Dosong dans la nuit du 15 au 16 décembre, le Savorgnan-de-Brazza à Tourane les 20, 21 et 25 décembre 1946. La flottille fluviale du Tonkin a pris une part active aux opérations qui, commencées le 21 décembre 1946, ont abouti, le 27, au dégagement de la ville de Haï-Duong sur la route Haïphong–Hanoï. Signalons pour mémoire, puisque le calme continue de régner en Indochine du Sud, que la flottille fluviale de Cochinchine a été la première force française à réoccuper Battambang, restitué au Cambodge à la suite de l’accord franco-siamois du 17 novembre 1946 (7 décembre).
Mais il va de soi que, si, comme Marius Moutet (ministre de la France d’outre-mer) l’a constaté, « avant toute négociation il est aujourd’hui nécessaire d’avoir une décision militaire » au Tonkin pour assurer d’abord la sécurité de nos troupes et celle de nos ressortissants, nos bâtiments auront à jouer un rôle important en attendant l’heure de la conciliation souhaitable, soit en s’engageant contre la terre, soit en doublant notre marine marchande dans le transport du personnel et du matériel, soit, enfin, en interceptant la contrebande de guerre le long du littoral. Aussi les avisos Commandant-Duboc et La Boudeuse sont-ils arrivés en renfort à Saïgon dans les derniers jours de décembre 1946. Le Commandant-Delage et le Commandant-Bory appareilleront à leur tour pour l’Indochine dans le courant de janvier, escortant quatre dragueurs de mines. Le croiseur Duquesne (dont le voyage était d’ailleurs prévu avant le coup de force vietnamien) a quitté Toulon le 21 décembre 1946 ; il a embarqué à Bône le 23 un bataillon de troupes aéroportées, il est attendu à Saïgon le 10 janvier 1947 ; le croiseur Suffren, qui devait rallier la Métropole après un séjour de près d’un an en Extrême-Orient, sera maintenu sur place au moins jusqu’à l’arrivée du Duquesne. Peut-être, enfin, l’envoi d’un porte-avions (par exemple le Dixmude) s’imposera-t-il, non seulement pour satisfaire aux besoins de la marine, mais pour fournir un complément d’appareils aux escadrilles terrestres.
La situation de notre flotte commerciale est aujourd’hui beaucoup plus favorable qu’au cours des opérations indochinoises de l’hiver 1945-1946, quand nombre de ses bâtiments étaient encore incorporés dans le pool interallié ou en réparation dans nos ports. C’est à elle, naturellement, et non plus aux navires de guerre, qu’incombent ou qu’incomberont dorénavant la grande majorité des transports de personnel, de matériel et de munitions à destination de l’Extrême-Orient, ainsi que le rapatriement des malades et des blessés. Déjà le paquebot Pasteur, parti de France avant les derniers événements, est arrivé au cap Saint-Jacques le 31 décembre 1946 avec 4 000 hommes, qui ont été répartis entre la Cochinchine et le Tonkin. Île-de-France suivra incessamment avec 7 000 h : on sait que, au cours d’un précédent voyage, il a brillamment réussi le 13 septembre 1946 la traversée du canal de Suez qui n’avait jamais été franchi par un navire d’un tonnage aussi élevé ; c’est encore par Suez, eu égard aux circonstances pressantes, qu’il passera cette fois-ci. D’autres rotations sont prévues pour le paquebot Athos II, le 17 janvier 1947 (2 100 h), pour le Maréchal-Joffre (1 500 h), pour le Pasteur à la mi-février. Ces différents bâtiments, ainsi que le Chantilly, équipé en navire-hôpital, et dont le départ aura lieu au début de février, ramèneront en France des malades et des blessés. D’importants sacrifices sont, ainsi, demandés au shipping, dans l’intérêt des Français d’Indochine et du rétablissement de la paix : la reconversion du Pasteur, préface indispensable à son affectation commerciale à la ligne de l’Atlantique Sud, est retardée de plusieurs mois ; Île-de-France, déjà détourné au mois de décembre du service de l’Atlantique Nord pour rapatrier à Casablanca quelques milliers d’hommes du dernier contingent et des familles d’officiers et de fonctionnaires civils de l’AFN (Afrique française du Nord), ne sera vraisemblablement rendu qu’en mars 1947 à la marine marchande, qui pourra, alors, le réaménager en navire à passagers.
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