Pensée militaire - La désinformation (2)
La désinformation est une véritable machine de guerre qui utilise le bluff, l’intoxication ou le mensonge savamment distillé pour manipuler les esprits. Cette forme maligne de déstabilisation qui prend pour cible un individu, une entreprise, un gouvernement ou une population peut provoquer des ravages considérables et changer le cours d’un événement. Dans la 1re partie (traitée dans la RDN de juin 2011), il a été rappelé comment l’Administration de George W. Bush a mené une gigantesque opération de duperie sur la prétendue présence d’armes de destruction massive en Irak et sur les liens supposés de Saddam Hussein avec Al-Qaïda pour « vendre » aux médias et justifier à l’opinion américaine une intervention armée dans ce pays du Moyen-Orient riche en ressources pétrolières. Dans l’Europe de l’Est jusqu’à la chute du communisme, la désinformation omniprésente avait confiné les citoyens dans une société où le mensonge s’était imposé comme une vérité et la réalité était présentée comme un mensonge alimenté par les puissances hostiles du capitalisme. Après la désintégration du monde soviétique, il ne reste plus que quelques exemples de dictatures qui font de la tromperie permanente une institution immuable et maintiennent leur peuple dans un environnement de pensée unique entretenu par une clique de despotes au pouvoir.
C’est toujours le cas de la Corée du Nord où la dernière dynastie communiste de la planète a vu se succéder de père en fils « le président éternel » Kim Il-Sung, « le dirigeant bien-aimé » Kim Jong-Il, puis Kim Jong-Un passé du stade de « grand successeur » à celui de « dirigeant remarquable » après la mort brutale de son père « conséquence d’un grand épuisement physique et mental au service de son peuple ». Lors des obsèques de celui qui était vénéré comme un authentique dieu vivant, les séquences ahurissantes d’hystérie collective ont montré des centaines de milliers de personnes versant devant les caméras de la télévision d’État des torrents de pleurs « formatés ». Elles ont mis en évidence la force consternante de la mise en scène orchestrée par un régime paranoïaque qui n’hésite pas à recourir aux moyens les plus extravagants de la mégalomanie pour leurrer les consciences : des larmes de contrition massive au service d’une arme de destruction massive (la désinformation). Dans ce type de société désinformée par une propagande outrancière, les contrevérités sont portées par un processus fallacieux d’adulation exorbitante d’une administration totalitaire qui érige le culte de la personnalité en un théorème national. Staline était ainsi « le petit père des peuples » en URSS, Ceaucescu « le génie des Carpathes » en Roumanie, Fidel Castro « le lider maximo » à Cuba, Kadhafi « le guide de la révolution » en Libye et le Tunisien Ben Ali « le meilleur des adorateurs » (traduction de la première partie de son nom, Zine el-Abidine).
Le mensonge politique s’appuie souvent sur la falsification d’un document ou d’un événement dans le but de produire un choc durable qui ébranlera l’imaginaire collectif. Dans le registre des grands faux de l’Histoire, l’opuscule sur les protocoles des sages de Sion fait toujours figure de référence car en dépit de l’assurance prouvée de la fabrication insidieuse du texte, l’ouvrage mensonger continue à être utilisé par les groupuscules antisémites. Le document, diffusé pour la première fois en Russie en 1906, établit un plan de conquête du monde par la communauté juive. Très vite, il apparut que le manuscrit avait été forgé par un journaliste faussaire, Mathieu Golovinski, sur commande de la police politique de manière à faire des Juifs un bouc émissaire susceptible de détourner le mécontentement social. En fait, le faux document était la contrefaçon d’un violent brûlot rédigé en 1864 par un avocat français, Alain Joly, qui décrivait un projet de domination du monde par Napoléon III. Quelques décennies plus tard, le falsificateur plagiaire Golovinski avait adapté le texte à la société israélite pour manipuler le tsar Nicolas II. Constatant la supercherie, le maître de la Russie refusa d’exploiter la reproduction frelatée dans son combat contre les Bolchéviques. Les protocoles des sages de Sion resteront cependant un vecteur de propagande haineuse contre les Juifs employé par les Nazis puis par des extrémistes du Hezbollah et des spécialistes de l’agit-prop en Iran. La série Diaspora diffusée par la chaîne iranienne Al-Alam s’appuie ainsi sur ce document truqué pour dénoncer un complot fomenté par les Israélites.
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