Les combats de Saumur
L’ouvrage d’Élie Chamard n’est pas un historique, mais le récit vécu des combats livrés autour de Saumur ; on ne saurait le regretter, car un historique n’aurait pu avoir le caractère émouvant et passionnant que l’auteur a su donner à ce récit ; ce récit a le mérite de ne pas être non plus une apologie des seuls cavaliers, car il place sur le même plan tous ceux qui, à côté des cadets de Saumur ou mêlés à leurs rangs, ont défendu les passages de la Loire, élèves de Saint-Maixent, soldats régionaux, sapeurs d’Angers, artilleurs, tirailleurs indigènes.
On ne peut adresser qu’un reproche à M. Chamard, celui de ne pas avoir assez mis en relief la belle figure du colonel Michou, ce chef à l’énergie inébranlable qui fut l’âme d’une résistance dont il avait pu, par avance, prévoir le prix sanglant.
Les combats de Saumur ont donné lieu à bien des critiques ; les tacticiens en chambre qui n’ont connu ni comme soldat la rude épreuve du feu, ni comme chef la lourde responsabilité du chef du combat, les ont taxés d’une folie peut-être héroïque mais certainement inutile : ils ont seulement oublié qu’à l’heure où la France, vaincue et diminuée, subissait la douloureuse épreuve de tant de désastres et aussi, hélas, tant de défaillances, l’héroïsme des cadets de Saumur en forçant l’admiration du vainqueur lui assurait l’inappréciable avantage d’un prestige retrouvé dans ses rapports avec lui.
Une magnifique et précieuse leçon se dégage, d’autre part, de la lecture du récit de ces combats, celle des causes profondes qui ont permis aux cadets de Saumur, peu entraînés, mal équipes, à peine armés, de résister, parfois victorieusement, pendant tant de longues heures à un ennemi infiniment supérieur en nombre et en moyens ; ces causes, il faut les rechercher dans la flamme qui les animait et qui les unissait du plus humble combattant au chef lui-même dans un égal esprit de devoir et de sacrifice.
Cette flamme, on la retrouve aussi ardente chez tous, chez ce modeste tirailleur démuni, le dernier combattant de sa section détruite et répondant à l’ordre de se replier : « Mon lieutenant m’a dit tu flancheras pas, je flanche pas, je reste », comme dans cette réponse du lieutenant de Galbert à un de ses cavaliers lui disant : « Vous nous envoyez à la mort », « Je vous fais cet honneur, Monsieur ».
À l’heure où la France, ruinée, meurtrie et trop souvent divisée cherche à se ressaisir autour de son Armée nationale, on ne doit pas oublier que, pour la force de cette Armée Nationale, tous les progrès de la science compteront bien peu si elle n’a pas retrouvé, elle aussi, la flamme qui animait les cadets de Saumur.