Anthologie des classiques militaires français
Notre enseignement supérieur s’est inspiré avant et après la guerre de 1914-1918 de méthodes diamétralement opposées. Tandis qu’avant 1914 l’enseignement tendait à développer la personnalité des élèves, en ouvrant à leur esprit critique le champ d’interprétation des principes napoléoniens, l’après-guerre nous offrit le spectacle d’une soumission autoritaire non aux principes, dont la guerre venait de révéler la pérennité, mais aux procédés d’exécution, imposés par la nature des opérations et l’état de l’armement. La sclérose intellectuelle, qui en résulta, fut sanctionnée en 1940.
L’ouvrage, que nous présente le général Chassin, marque le retour aux saines traditions de notre enseignement classique. Mais la modestie de son titre ne traduit ni l’ampleur de son sujet, ni la richesse exceptionnelle de ses commentaires. Ceux-ci révèlent les vastes horizons de l’art de la guerre et tissent le fil conducteur qui permet à tout esprit libre d’en explorer les arcanes à la faveur d’un travail personnel. Que nous voilà loin des synthèses préfabriquées, qui atrophient les esprits et nivellent les caractères.
En une fresque lumineuse l’« Introduction » met en relief les traits essentiels de l’art de la guerre. À sa source : le cartésianisme de l’esprit français, qui, du désordre des phénomènes dégage la loi qui les engendre, son humanisme, qui met en valeur les ressources du moral, son goût de la synthèse, mère des prophétiques anticipations. Moyens d’action de cette pensée : la valeur du chef, le moral de la troupe ; les caractéristiques du matériel. Quant à l’emploi des forces, il doit s’inspirer des trois principes essentiels, qui englobent dans les autres : la primauté de l’offensive, la poursuite sans défaillance de l’objectif principal et l’économie des forces, qui en permet la réalisation. Mais, si ces principes d’emploi étaient seuls à guider le Chef au temps des guerres limitées, il n’en est plus de même aujourd’hui où la guerre totale introduit des facteurs politiques dans la conduite des opérations.
Après cette brillante synthèse, l’auteur guide nos pas vers les observatoires, que constituent les ouvrages de nos écrivains militaires et de chacun d’eux fait surgir à nos yeux les perspectives, les échappées qui éclairent les étapes de l’histoire et eu révèlent les leçons. Cet ouvrage, antidote du dogmatisme primaire, ouvre à l’esprit critique un champ d’investigation, dont les avenues et les lieux de méditation sont lumineusement renseignés et où les stations, grâce aux ressources d’une intelligente bibliographie, peuvent être utilement prolongées. Nos jeunes intelligences militaires ont en main le bréviaire du libéralisme didactique.