La vie émouvante et noble de Gay-Lussac
Lorsque Bonaparte écrivait à la Société d’Arcueil, sorte d’Académie des Sciences en miniature, « vous avez prouvé des choses plus précieuses que la pierre philosophale », il saluait déjà avec Arago, de Humboldt et d’autres savants illustres, le génie de Gay-Lussac. L’École Polytechnique, où il fut élève, puis professeur, et qu’il a tant aimée, a, d’autre part, rendu à Gay-Lussac, dans son pays natal, pour les fêtes du Centenaire, l’été dernier, un fervent hommage par l’éloquence du colonel Le Roux, après que le professeur Pierre Jolibois, au nom de l’Institut, eut salué ce prestigieux ancêtre qui fut académicien à 28 ans et pair de France. Les fêtes de Limoges et de Saint-Léonard, en Haute-Vienne, prirent ainsi, avec le concours de l’Armée, du Parlement, de la Magistrature et de l’Université, une telle ampleur dans un si grand enthousiasme qu’il sembla qu’on assistait à une sorte de « résurrection ».
En vérité, en dehors des manuels scolaires où figurent ses lois immortelles qui dominent encore l’activité industrielle et la recherche, en dehors de cette intrépide ascension de Gay-Lussac à plus de 700 mètres, seul dans un aérostat, qui connaît bien toute la prodigieuse et magnifique existence de ce génie constructif dont l’œuvre n’a pas fini de rayonner. Les parlementaires savent-ils qu’il fut un tribun romain, toujours écouté avec respect, et infiniment humain, joignant au courage civique la plus vive intelligence ?
Mais l’existence de Gay-Lussac, si elle brille d’un éclat souverain dans l’Histoire des Sciences, présente des aspects pittoresques et émouvants qui appartiennent à l’histoire du cœur. Madame Gay-Lussac survécut 25 ans à son époux, et durant toute cette période, elle lui écrivit comme s’il était encore présent. Les plus touchantes de ces lettres, d’une élévation peu commune de pensée, sont publiées dans l’ouvrage dont M. Maurice Roy, membre de l’Institut, a pu dire « C’est rendre un très grand service que d’aider à la connaissance de tels exemples ».