La leçon de Suez
Au lendemain de la Conférence de Londres, il est vain de marquer de l’amertume, en imaginant ce qu’eussent été les résultats d’une action immédiate de la France et de l’Angleterre, répondant au défi de Nasser avec une violence raisonnée. L’expérience nous dit qu’un geste de folie politique ne trouve sa parade que dans l’emploi judicieux de la force. L’Amérique hésitante eut accepté le fait accompli. L’U.R.S.S. se fut bien gardée d’élargir le conflit. Misant sur le désordre dont elle est, finalement et toujours, la bénéficiaire, elle eut attendu, avec sa patience accoutumée, que l’Occident commit des fautes dans l’exploitation d’un succès militaire initial. Quant aux États arabes qui ne vivent que du pétrole, leur fureur eut bientôt cédé à la nécessité de vendre le produit de leur sous-sol à leurs clients habituels.
L’Angleterre et la France disposaient-elles des moyens d’une politique impérative ? Les opinions varient sur ce point. Il est vraisemblable que la seule réoccupation de l’immense base britannique de Tel el Kebir par des éléments aéroportés n’eut coûté que de l’audace. Il était aisé de légitimer aux yeux de l’opinion mondiale, prête à tout accepter de qui la secoue, la remise sous contrôle anglais des installations, du matériel, des équipements de cet ensemble qui, aux dires d’experts, représente une valeur d’un demi-milliard de livres sterlings.
Ne poussons pas plus loin la construction des hypothèses et tenons-nous en à l’analyse réaliste de notre position.
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