La frégate Baden Württemberg, tête de série de la nouvelle classe F125, vient d’être renvoyée à son chantier constructeur en raison de nombreux défauts nécessitant une remise à niveau importante, longue et coûteuse. Ce programme majeur a démarré avec la commande de 4 navires en 2007 connaît des difficultés majeures pour la mise au point des équipements avant l’admission au service actif.
Nouvelle frégate allemande, la galère continue (T 960)
New German frigate, the galley continues
The Baden Württemberg frigate, seeded in the new "F125" class, has just been sent back to its construction site because of numerous defects requiring a major, long, and costly upgrade. This major program started with the order of 4 ships in 2007 experiencing major difficulties in the development of equipment before admission to active duty.
D’importants défauts à corriger
La DGA allemande – Bundesamt für Ausrüstung, Informationstechnik und Nutzung der Bundeswehr ou BAAINBw – a demandé à l’industriel titulaire du contrat de construction des quatre frégates de type F125 commandées par la Marine allemande, de corriger de nombreux défauts identifiés sur la frégate Baden-Württemberg, tête de série, qui devait être livrée l’été dernier.
Les essais à la mer de ce bâtiment de premier rang de 7 200 tonnes et long de 150 m (contre 6 000 t pour une Fremm et 142 m de long) avaient déjà révélé des déficiences majeures, matérielles comme logicielles, affectant directement les capacités opérationnelles spécifiées. En outre, une gîte permanente de 1,3° sur tribord n’a pas pu être corrigée à ce stade. Enfin, le bâtiment s’avère plus lourd que prévu, ce qui obère très directement sa capacité à intégrer des évolutions futures.
Le coûteux programme F125 (plus de 3 milliards d’euros pour quatre bâtiments) est placé sous la responsabilité industrielle d’un consortium de circonstance ARGE F125 comprenant Lürssen et TKMS (ThysssenKrupp Marine Systems). Le chantier de construction du Baden-Württemberg appartient à Blohm+Voss, racheté en 2016 par Lürssen (firme qui produit aussi de luxueux yachts) à TKMS.
Les quatre F125 sont destinées à remplacer les huit frégates de la classe Bremen (en service à partir de 1982), deux fois moins lourdes, dont il ne reste que deux exemplaires en service, la F213 Augsburg et la F214 Lübeck, après le retrait en juin 2017 de la F212 Karlsruhe (respectivement commissionnés en 1984, 1989 et 1990). L’équipage des F125 comprendra 120 personnes, contre le double sur les Bremen.Les retards actuels vont contraindre la Marine allemande à repousser le retrait du service de ces bâtiments, ce qui se traduira, inévitablement, par des surcoûts.
Des navires de plus en plus complexes
Depuis plusieurs années déjà, des évolutions de même nature (navires plus grands et équipages réduits) sont observées dans toutes les marines, à l’occasion des renouvellements de générations de bâtiments. En l’occurrence, la Marine française a montré l’exemple depuis près de vingt ans, puisque les frégates de nouvelle génération devant remplacer celles du type Georges Leygues conçues au début des années 1970 (en service à partir de 1979), étaient annoncées dès 1997 avec un équipage-cible de 100 personnes.
La prise en compte d’objectifs très ambitieux de réduction des effectifs embarqués, couplés avec une disponibilité technique de l’ordre de 350 jours/an, allait générer une véritable révolution dans la conception et la construction des navires de guerre. Cette nouvelle vision était détaillée dans une importante directive de l’État-major de la Marine adressée à la DGA en date du 2 juillet 1998, portant globalement sur la conception, la construction, l’exploitation opérationnelle et le Maintien en condition opérationnelle (MCO) des navires de nouvelles générations.
À titre d’illustration, la Marine nationale avait été confrontée jusque-là à des difficultés chroniques liées en particulier au manque de marges en matière de déplacement, conséquence de devis de poids mal maîtrisés lors de la construction et qu’on ne pouvait que constater a posteriori à l’admission au service actif des bâtiments. Ces « surpoids » étaient également de nature à générer des défauts de stabilité et des risques avérés sur la résistance des structures. La directive de 1998 demande que l’on exige désormais 15 % de marge de déplacement au neuvage, garantissant une capacité d’évolution indispensable sans compromettre les grands équilibres architecturaux, compte tenu de la durée de vie des navires.
L’exemple du Baden-Württemberg semble indiquer que cette orientation n’a pas été prise en compte dans la conception de ces navires pourtant beaucoup plus récents, puisque la première frégate Fremm de nouvelle génération dans la Marine française, l’Aquitaine, a été mise en service en 2015.
Il met aussi en évidence la complexité croissante des bâtiments de guerre et la difficulté pour les industriels d’en maîtriser tous les aspects en maintenant au sein de leurs équipes, à la fois des compétences techniques pointues dans de nombreux domaines, mais aussi et surtout une capacité de maîtrise d’œuvre globale de systèmes intégrés extrêmement complexes : on rappellera utilement que le « cerveau » du système de combat d’une frégate de type Fremm comporte plus de 25 millions de lignes de code, ce qui dépasse largement en complexité la plupart des logiciels temps réel existants…
Notons enfin que la marine allemande a fait le choix sur ces nouveaux navires de deux équipages se relevant tous les quatre mois. Tel n’est pas le cas de la Marine nationale qui maintient l’exploitation avec un seul équipage, alors que le nombre de frégates est jugé insuffisant. Ceci étant, la marine allemande, comme celle du Royaume-Uni, fait face à des problèmes de recrutement et surtout de fidélisation de ses équipages.♦
Éléments de bibliographie
Mélennec Olivier : « Allemagne : la frégate “Baden-Württemberg” renvoyée au chantier », Le Marin.fr, 2 janvier 2018.
Prézelin Bernard : Flottes de combat 2016, Éditions maritimes & d’outre-mer, 2016, 1 474 pages.