La récente intervention en Syrie est l’occasion de revenir sur le rôle et la responsabilité de l’exécutif dans la conduite des opérations. Le débat entre légitimité et légalité est ouvert.
La guerre, le Président et la Constitution (T 995)
War, the President and the Contiution
The recent intervention in Syria is an opportunity to revisit the role and responsibility of the executive in the conduct of operations. The debate between legitimacy and legality is open.
La France a donc bombardé la Syrie, événement qui ne relève que de l’anecdote et que tout le monde aura vite oublié, y compris le régime dictatorial visé. Ce qui est plus conséquent en revanche est la béance qui est apparue en filigrane des discours justifiant l’opération. Ce ne sont pas simplement des installations chimiques, des centres de recherche ou des postes de commandement qui ont été touchés, mais les fondements de valeurs qui ont fait la suprématie de l’Occident et qu’il est lui-même en train de méthodiquement saper.
Guerre du droit, guerre au droit
On ne reviendra pas sur une diplomatie de bac à sable qui permit à Kadhafi de planter sa tente sur les Champs-Élysées pour l’éliminer ensuite, et accueillit Assad sur la même avenue un jour de 14 juillet pour lui retirer aujourd’hui sa Légion d’Honneur. On n’insistera pas sur le scandale que constitue l’utilisation de gaz par l’armée syrienne, mais pas des bombes au phosphore au Yémen par l’armée saoudienne. Enfin, on passera rapidement sur les scrupules louables à faire respecter les résolutions de l’ONU sauf celles concernant la question palestinienne qui constitue pourtant l’œil du cyclone depuis cinquante ans.
Tout a été également dit de l’illégalité au regard du droit international des frappes de la nuit du 13 au 14 avril 2018 : la France n’avait aucun mandat de l’ONU pour agir et n’était pas en état de légitime défense. Les défenseurs de cette action n’ont d’ailleurs pas porté le fer sur ce terrain, se retranchant derrière le fameux « droit » d’ingérence. Leurs arguments sont légitimes et recevables : personne ne prend la défense d’Assad, personne ne conteste qu’il soit nécessaire de mettre fin au massacre de son peuple. Simplement, ils n’ont aucune valeur au regard du droit. On peut retourner la question dans tous les sens, prétendre casuistiquement que bombarder un État souverain n’est pas lui déclarer la guerre, il n’en demeure pas moins que la France a violé la Charte des Nations unies. L’aurait-elle fait au nom de l’efficacité, qu’on a toujours d’excellentes raisons d’écarter la règle de droit, cet emmerdement qui s’efface de plus en plus devant la « supériorité démontrable de l’existence d’un fait », comme s’en désolait déjà le philosophe George Steiner, il y a presque un demi-siècle.
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