En mai 1939, la RDN est créée pour contribuer au débat stratégique et réfléchir aux grands enjeux de défense, dans le même esprit qui avait présidé à la mise sur pied de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Le paradoxe de cette création résulte de ce moment où, face à la montée inexorable des totalitarismes et de la menace nazie, nos états-majors et nos dirigeants politiques ont été incapables de se ressaisir et de faire les bons choix pour affronter les périls. On sait ce qu’il en advint et le désastre du printemps 1940. Au final, la France fut sauvée par l’Homme de l’Appel du 18 juin, la farouche résistance des Britanniques autour de Winston Churchill puis par l’embrasement généralisé provoqué par l’hubris hitlérienne avec l’invasion de l’URSS et la Shoah génocidaire. Enfin, à la suite de Pearl Harbor, les États-Unis, garants de la démocratie, s’engagèrent jusqu’à aujourd’hui pour défendre les valeurs de cette dernière tant bafouée sur le Vieux continent par le nazisme puis par le communisme soviétique.

La RDN a repris sa parution en octobre 1945, avec une régularité mensuelle jamais démentie depuis… sauf en mai 1968… pour des raisons indépendantes de sa volonté. À ce jour, avec le n° 810 de ce mois de mai 2018, la collection complète avoisine une longueur de 6,50 m. Ce qui est loin d’être négligeable dans une bibliothèque et traduit toute la richesse du débat stratégique français, contrairement à ce que pensent quelques censeurs en mal de notoriété.

Il est en effet très français de s’autoflageller et de pratiquer un déclinisme permanent et culpabilisant. En ce qui concerne le champ d’action de la RDN, la Grande Muette le serait depuis fort longtemps et n’aurait pas grand-chose à dire, les militaires étant tenus à un strict devoir de réserve et étant au plus considérés comme des techniciens, de surface pour les terriens, de la Grande Bleue pour les marins, et du manche pour les aviateurs… Un mépris qui, il est vrai, existe dans certains cercles qui nous estiment ne pas être assez compétents pour réfléchir sur la guerre, la stratégie et les relations internationales. Et la RDN ferait partie de ces vieilles reliques d’un autre temps que l’on n’ose pas supprimer mais que l’on garde par habitude. Un vestige d’un passé militaire exalté par des nostalgiques d’un temps où l’ordre hiérarchique structurait la société.

Il faut ici saluer l’opiniâtreté des dirigeants de la RDN et de mes prédécesseurs qui se sont battus pour maintenir à flot une revue considérée comme obsolète et moribonde par beaucoup et qui coûterait fort chère pour un rendement proche de la machine à vapeur, propos souvent repris lors de pince-fesses mondains où le Tout-Paris stratégique se réunit pour refaire le monde avec passion, chacun considérant qu’il en est le meilleur connaisseur et donc de ce fait, le Conseiller du Prince.

Il n’en demeure pas moins que la vieille Start-up RDN (vieille par son âge et start-up par sa petite équipe) n’a cessé de progresser et de travailler pour poursuivre la mission assignée dans son n° 1 (disponible sur le site www.defnat.com), à savoir contribuer au débat stratégique.

Ainsi, le numérique est venu compléter le papier avec une efficacité reconnue, y compris par le milieu de la presse. Outre la création de son site, la RDN s’est
lancée dans plusieurs champs permettant de valoriser ce débat. Tout d’abord,
l’ensemble des milliers de pages publiées depuis mai 1939 est numérisé et tous les sommaires accessibles via un moteur de recherche. Cet outil permet donc d’avoir accès à près de 80 ans de notre histoire militaire mais aussi de l’histoire du monde. Feuilleter ces archives, c’est comprendre l’état actuel et précaire de la situation internationale. Lire chaque lundi un « florilège », c’est replonger non pas dans la nostalgie du passé mais dans l’analyse de faits qui aujourd’hui encore marquent notre environnement stratégique. Ce travail se poursuivra car il constitue en effet une masse documentaire essentielle pour les chercheurs.

Et depuis 2010, ce sont les Tribunes. Des articles plus courts et plus
réactifs par rapport à l’actualité stratégique. Contrairement à ce que pensent quelques âmes maldisantes, il ne s’agit pas d’articles au rabais que le rédacteur en chef ne veut pas inclure dans l’édition mensuelle. Il ne s’agit pas de « refourguer » de mauvais auteurs peu compétents en mal d’être publiés, mais bien d’offrir sur la Toile une capacité d’analyse de notre environnement géopolitique. Et je regrette bien souvent de ne pas pouvoir mettre en ligne plus de textes tant les sujets sont nombreux.

Heureusement, il y a des talents qui contribuent avec brio et réactivité.
Pas de 7 à 77 ans certes, mais presque, avec aussi bien des étudiants en Master défense et sécurité qui contribueront à la relève stratégique de demain que des acteurs militaires de tous grades et civils compétents qui apportent leurs réflexions pertinentes sur les sujets impliquant notre défense.

1 000 tribunes en 4 ans, c’est là aussi un apport important à la réflexion stratégique. Il suffit là encore de voir les derniers thèmes traités pour en saisir la pertinence : Cuba, la Corée, la Russie, le terrorisme, la dissuasion… Les textes ainsi proposés permettent soit de compléter la compréhension d’événements géopolitiques, soit de poursuivre le débat ou encore de proposer de nouvelles pistes sur des sujets parfois trop négligés.

Un autre avantage, outre la rapidité de mise en ligne, est aussi la possibilité de mettre de l’image, à une époque où celle-ci est omniprésente. Cela permet une lecture plus agréable mais aussi de donner plus de contenu au texte et donc une meilleure compréhension du propos, tout en en garantissant le sérieux.

1 000 tribunes ne constituent donc qu’une étape supplémentaire en attendant la suite. Ce sont les brèves (au format A4) offrant une information condensée et documentée sur une donnée précise. Ce sont les e-Recensions permettant de compléter le travail de lecture des ouvrages reçus. Ce sont les Repères mensuels (43 numéros à ce jour) qui couvrent l’actualité stratégique internationale du mois écoulé. Ce sont les interventions dans les médias qui apportent une expertise reconnue…

Avec cette millième tribune, je ne peux que remercier d’une part toute l’équipe de la RDN qui s’y investit au quotidien (Jérôme – pas moi –, Pascal, Paul, Marie-Hélène et Eliane) sans qui la RDN n’existerait pas. Je remercie aussi tous nos auteurs qui ont alimenté ces 1 000 articles. Je remercie aussi l’amiral Alain Coldefy pour sa confiance permanente, y compris par gros temps car il peut y avoir des coups de tabac même à la RDN.

Et enfin je remercie tous nos lecteurs qui constituent la raison d’être de la RDN en espérant qu’ils seront encore plus nombreux pour la 2 000 ^€ Tribune. ♦