C'était un marin d'exception, un navigateur hors pair, qui a formé et amariné un grand nombre de ceux qui défient les océans aujourd'hui. Éric Tabarly a disparu il y a 20 ans.
20e anniversaire de la disparition d’Éric Tabarly (T 1012)
20th anniversary of the death of Éric Tabarly (T 1012)
He was an exceptional sailor, an outstanding navigator who trained and amarinated many of those who challenge the oceans today. Éric Tabarly passed away 20 years ago.
« Naviguer : c’est accepter les contraintes que l’on a choisies. C’est un privilège. La plupart des humains subissent les obligations que la vie leur a imposées. Naviguer est une activité qui ne convient pas aux imposteurs. Dans bien des professions, on peut faire illusion et bluffer en toute impunité. En bateau, on sait ou on ne sait pas. »
Éric Tabarly
Éric Tabarly nous a quittés voici vingt ans déjà, disparu en mer d’Irlande dans la nuit du 12 au 13 juin 1998 à l’âge de 66 ans. C’était un homme passionné par la mer et surtout par les bateaux à voiles ; une sorte de caricature du marin bourru, taiseux à souhait, toujours sur le qui-vive et paré à tout, dur au mal et qui ne s’apitoyait jamais sur son sort. Un marin humble, respectueux de la mer et du vent, qui ne se battait pas contre les éléments mais avec eux.
Selon Olivier de Kersauson, navigateur de 13 ans son cadet, « Il ne disait rien, ne t’expliquait jamais rien mais il avait une façon de faire qui était exemplaire dans le sens où tu comprenais tout, tout de suite, parce qu’il faisait les choses bien. Oui, il était exceptionnel. Là, j’en parle avec la liberté du temps. Souvent lorsque les gens ont disparu, ils deviennent extraordinaires. Lui, il était extraordinaire quand il était vivant. Il était incroyable, c’était un réel plaisir de naviguer avec lui. Je suis resté huit ans à ses côtés, je ne serais pas resté huit ans avec quelqu’un qui n’était pas passionnant. » (cf. Le Télégramme).
Par ses idées novatrices et son incroyable pugnacité, cet amoureux de la mer aura révolutionné la navigation de course et de plaisance à partir des années 1960. Des générations de skippers et d’équipiers lui devront à leur tour passion et victoires. Des dizaines de milliers de jeunes l’auront pris pour modèle. Il deviendra une véritable idole dans les milieux sportifs, notamment dans les grandes courses hauturières transocéaniques où il a été le promoteur d’une véritable culture du solitaire, unique au monde.
Dans ses Mémoires du large, Tabarly disait de lui : « Je ne suis ni misanthrope, ni misogyne, ni marginal, et (…) je m’intéresse à la vie de notre planète. Mais le bateau est vraiment le seul domaine qui me captive, qui alimente mes idées novatrices. »
En 1952, il intègre l’aéronavale et va piloter des avions durant plusieurs années, puis devenir enseigne de vaisseau en 1960 à l’issue de son passage à l’École navale. La Marine va ensuite utiliser ses talents pour développer son image institutionnelle. Il bénéficie d’un statut qui lui permet d’exercer sa passion à plein-temps, avec le concours de jeunes appelés qui deviendront des grands noms de la navigation à la voile, parmi lesquels Olivier de Kersauson, Jean Le Cam (né en 1959, navigant depuis 1982) ou encore Titouan Lamazou (né en 1955, navigant de 1985 à 1993). Il quitte la Marine nationale en 1985 avec le grade de capitaine de vaisseau.
En 1964, il bat les Anglais lors de la mythique « Transat Anglaise », traversée de l’Atlantique en solitaire, ce qui lui vaut un immense succès populaire qui ne s’est jamais démenti depuis. En 1967, il enchaîne sur Pen Duick III sept victoires consécutives. En 1969, il gagne la Transpacifique en solitaire sur Pen Duick V, avec 10 jours d’avance sur les concurrents. Viendront ensuite le record de l’Atlantique Nord en 1980 sur Paul Ricard et la « Transat Jacques Vabre » de 1997 avec Yves Parlier (né en 1960) – qui l’a sorti de sa retraite pour l’occasion –, pour ne citer que les courses les plus célèbres.
Les Pen Duick I à V
Éric Tabarly a marqué l’histoire de l’architecture maritime en participant activement à la conception de voiliers de compétition novateurs, exploitant les dernières évolutions techniques et appliquant à l’hydrodynamique ses connaissances en aérodynamique.
Le 5 juin 1990, il est admis à l’Académie de marine dans la section « Marine marchande et plaisance ».
Éric Tabarly aura aussi été un écrivain très prolifique, justifiant la célèbre réplique d’Audiard dans Les Tontons flingueurs : « C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases ».
Éléments de bibliographie
Eliès Philippe, « Olivier de Kersauson. “Éric Tabarly, ce génie” », Le Télégramme, 8 juin 2018 (www.letelegramme.fr/).
Queffélec Yann, Tabarly, Paris, L’Archipel, 2008, 238 pages.
Tabarly Éric, Mémoires du large, Éditions du Fallois, 1998, 281 pages.