Profitant du flottement en Europe induit par le difficile Brexit, la Russie a changé la donne dans son bras de fer contre l’Ukraine de Porochenko, qu’elle juge manipulé par les États-Unis. C’est pour Poutine l’occasion de faire coup double : sur la scène internationale, en effaçant les affronts de l’affaire Skripal ou de l’indépendance de l’église ukrainienne, et sur la scène nationale, en rassurant une opinion publique opposée à la réforme des retraites.
Ukraine, Russie et mer d’Azov : mutation du conflit ? (T 1063)
Ukraine, Russia and the Sea of Azov: change of conflict?
Taking advantage of the wavering in Europe induced by the difficult Brexit, Russia has changed the situation in its standoff against Poroshenko's Ukraine, which it considers manipulated by the United States. This is an opportunity for Putin to make a double blow: on the international scene, by erasing the affronts of the Skripal affair or the independence of the Ukrainian church, and on the national scene, reassuring public opinion opposed to pension reform.
L’Ukraine connaît un conflit sur son territoire depuis maintenant presque 5 ans. Suite à ce conflit, les régions du Donbass se sont auto-proclamées « Républiques populaires » de Donetsk et de Luhansk sans pour autant que le conflit ne cesse. En effet, malgré deux accords visant à l’obtention de la paix signés à Minsk en septembre 2014 et février 2015 sous le patronage de la France et de l’Allemagne, le conflit perdure, oscillant entre flambée belliqueuse et violence maintenue de moyenne à basse intensité. Outre ce volet cinétique, le conflit s’est accompagné de nombreuses vagues d’attaques cyber, variées tant dans leur amplitude jusqu’alors jamais connue, que dans leurs natures extrêmement diverses (cf. A. Greenberg).
Jusqu’au mois de novembre 2018, ce conflit gardait les apparences d’une crise nationale même si la main de la Russie était plus que présente. En effet, le soutien de Moscou aux « Républiques » de Donetsk et Lougansk n’incluait officiellement pas d’aide militaire que ce soit en hommes ou en matériel, alors même que certains ont été retrouvés sur la zone (cf. B. Vitkine ou Sputnik du 10 juillet 2018). La position russe avait alors été d’affirmer que les hommes présents sur le territoire l’étaient soit de leur plein gré, sur des permissions (cf. T. McCoy), soit qu’ils avaient traversé par erreur la frontière (cf. RFI du 26 août 2014).
Or, le 25 novembre 2018, un événement se déroulant en mer d’Azov a modifié l’aspect du conflit : la marine russe a arraisonné trois vaisseaux militaires ukrainiens dans le détroit de Kertch faisant 23 prisonniers. Cette intervention signe une évolution notable dans le conflit, notamment en lui donnant une ampleur différente puis qu’officiellement un pays tiers, la Russie, est intervenu. On peut s’interroger sur les motivations et potentiels intérêts des différents acteurs en présence avant d’analyser les conséquences de cette nouvelle crise à la veille des élections présidentielles ukrainiennes de 2019. En outre, cette évolution ne manquera pas de forcer les Occidentaux à réagir, que ce soit l’Union européenne (UE) ou l’Otan. Et la nature de leur réaction aura, à n’en pas douter, des conséquences quant à la suite des événements.
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