L’élection présidentielle en Ukraine présente de nombreuses leçons géopolitiques avec d’une part le rejet du président sortant et l’arrivée d’un nouveau venu en politique. Le pays est soumis à une double influence européenne et russe. Opposer l’une à l’autre serait une erreur du point de vue russe. Il est ici important de présenter une analyse qui contribue ainsi au débat stratégique sur le futur de l’Europe et de sa relation avec la Russie.
Élection présidentielle en Ukraine : une leçon pour l’Occident (T 1090)
Presidential Election in Ukraine: a Lesson for the West
The presidential election in Ukraine presents many geopolitical lessons with the rejection of the outgoing president and the arrival of a newcomer to politics. The country is subject to a double European-Russian influence. Opposing one another would be an error from the Russian point of view. It is important here to present an analysis which thus contributes to the strategic debate on the future of Europe and its relationship with Russia.
La victoire plus que convaincante de Volodymyr Zelensky au second tour de l’élection présidentielle en Ukraine le 21 avril 2019 sur le Président sortant Petro Porochenko (73,22 % de voix contre 24,45 %, cf. Courrier gouvernemental) avait été prédite par tous les sondages de l’opinion publique ukrainienne. En effet, au premier tour, il avait obtenu 30,24 % des voix, tandis que son rival, arrivé en second, n’en avait eu que 15,95 % (cf. Ria Novosti). Pourtant, en Ukraine et à l’étranger, un grand nombre de « personnes intéressées » espéraient jusqu’au dernier moment que Petro Porochenko pourrait, d’une manière ou d’une autre, renverser la tendance. Sur le sol ukrainien, c’étaient surtout les élites traditionnelles qui craignent que les règles du jeu politique amorales et cyniques, établies par elles, soient bousculées par un personnage « hors système », un comédien reconverti en homme politique seulement depuis janvier. Derrière ces élites, s’agitent les oligarques ukrainiens, vrais maîtres du pays et inquiets de la présence dans l’ombre de ce « parvenu » d’Igor Kolomoïsky, un oligarque déchu et réfugié en Israël rêvant d’une revanche. Il y a aussi les partisans d’une ligne dure à l’encontre de la Russie qui doutent que Volodymyr Zelensky maintienne cette ligne.
Un pays mal compris enjeu de rivalités Est-Ouest
En Occident, les soutiens principaux de Petro Porochenko se trouvent à Washington, Bruxelles et Berlin. Bien entendu, ces soutiens ne se faisaient pas d’illusions sur le Président sortant dont la cote de popularité ne dépassait pas 9 %. Oligarque lui-même, il s’est encore enrichi après son arrivée au pouvoir en 2014, tandis que l’Ukraine ne cessait de s’appauvrir et, selon le Fonds monétaire international (FMI), est aujourd’hui le plus pauvre pays de l’Europe (cf. Kapital). Les accusations à son égard de corruption et de clientélisme, de résistance aux réformes qui devraient diminuer ce fléau, ne manquent pas. Sa rhétorique patriotique, voire nationaliste, face à la Russie ne l’a pas empêché de tirer des profits du conflit militaire dans le Donbass. En bref, Petro Porochenko était loin d’incarner le système politique et économique sain que l’Occident voudrait voir s’installer en Ukraine.
Cependant, dans le contexte d’une confrontation sans précédent entre d’une part, les États-Unis et leurs alliés, et d’autre part, la Russie, l’essentiel pour les soutiens en question n’était pas là. L’hostilité de Petro Porochenko à Moscou et sa détermination d’ancrer l’Ukraine à l’Occident valaient à leurs yeux beaucoup plus. Comme le souligne un groupe d’experts américains dans The Wall Street Journal, beaucoup de membres de l’establishment américain ainsi que nombre de responsables de la Commission européenne estimaient que le Président sortant était un « moindre mal » par rapport à Volodymyr Zelensky. On soupçonne ce dernier d’être enclin à s’arranger avec Vladimir Poutine sur les problèmes de la Crimée et du Donbass tandis que Washington et Bruxelles ne sont pas du tout intéressés par un compromis puisqu’ils cherchent une capitulation de Moscou. D’ailleurs, lesdits experts notent avec satisfaction que si Donald Trump n’accorde pas beaucoup d’attention à l’Ukraine, il maintient les sanctions contre la Russie et approuve les livraisons d’armes américaines « létales » à l’armée ukrainienne, ce que Barack Obama refusait de faire (cf. The Wall Street Journal). Berlin, de son côté, est plus disposé à mettre fin à ce conflit, mais pas au prix de n’importe quelles concessions au profit de Moscou.
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