Entre « Le règne du dollar », que la revue Questions internationales décrypte (n° 102 juillet-août 2020) et « L’Iran en quête d’équilibre », un copieux dossier de la revue Confluences Méditerranée (n° 113, été 2020), le lien est évident : c’est celui de l’application extraterritoriale des lois américaines qui permettent aux États-Unis de menacer de sanctions toute entreprise menant des activités en Iran. Une pratique désormais bien connue et terriblement efficace qui a conduit la quasi-totalité des entreprises françaises à se retirer du pays des mollahs.
En fait, comme l’indique Serge Sur dans sa préface de Questions internationales, l’extraterritorialité est en l’occurrence une idée fausse. Si les entreprises doivent se soumettre à la loi américaine, c’est parce qu’elles sont actives aux États-Unis et risquent de se voir interdire d’y exercer, ce qui est pour elles un inconvénient majeur. Il y a nulle extraterritorialité, parce que normes et sanctions ne s’appliquent qu’aux États-Unis, à partir de décisions prises sur leur territoire.
Between "The reign of the dollar", which the magazine Questions internationales decrypts (No. 102 July-August 2020) and "Iran in search of balance", a copious dossier from the magazine Confluences Méditerranée (No. 113, summer 2020 ), the connection is obvious: it is the extraterritorial application of US laws that allow the US to threaten sanctions against any company doing business in Iran. A now well-known and terribly effective practice that has led almost all French companies to withdraw from the country of the mullahs.
In fact, as Serge Sur points out in his preface to Questions internationales, extraterritoriality is a misconception in this case. If companies have to submit to US law, it is because they are active in the United States and risk being banned from doing business there, which is a major inconvenience for them. There is no extraterritoriality, because standards and sanctions only apply in the United States, based on decisions taken on their territory.
Du dollar
La riche collection d’auteurs réunis par Questions internationales décrit la genèse, le fonctionnement, les enjeux du système monétaire international actuel toujours dominé par le billet vert, le greenback, qui comme l’avait dit crûment John Connolly, le secrétaire d’État de Richard Nixon, « c’est notre monnaie, mais c’est votre problème ». Olivier Feiertag, professeur d’histoire économique à l’Université de Rouen, explique que ce système, établi à Bretton Woods en 1944, s’il rétablissait formellement le Gold Exchange Standard de l’entre-deux-guerres, fut en fait un système basé sur l’étalon-dollar, car les États-Unis par simple lettre adressée au Fonds monétaire international (FMI) en 1947, déclarèrent qu’ils vendraient et achèteraient de l’or contre des dollars à 35,20 $ l’once (ou 1 $ = 0,89 gramme d’or) à toute banque centrale qui en ferait la demande. Tout reposait sur l’étalon-dollar, qui était considéré égal à l’or (« as good as gold »), son taux de change étant le pivot du nouveau système financier international.
La fin de la convertibilité du dollar, événement capital dans l’histoire monétaire et économique du monde de l’après-guerre fut bien une des conséquences de l’engagement américain au Vietnam, comme la perte de compétitivité de l’économie américaine. Au printemps 1971, on apprend une nouvelle dégradation de la balance américaine des paiements allant de pair avec une hausse accélérée des prix intérieurs. Pour la première fois depuis 1895, les États-Unis enregistrent un déficit, non plus seulement de leur balance des paiements courants, mais aussi de leur balance commerciale. Désirant sauvegarder ce qui restait du stock d’or américain, le président Nixon dans sa déclaration du 15 août 1971, annonce la suspension de la convertibilité du dollar en or, l’imposition d’une surtaxe de 10 % sur les produits importés, sorte de dévaluation déguisée. Cet ensemble de mesures sonnait le glas du système monétaire international établi à Bretton Woods, mais en réalité prenait acte du décrochage économique américain. Le prix officiel de 35,20 $ l’once maintenu depuis 1934 devient donc, même pour les banques centrales, un prix fictif. Déjà des accents néoprotectionnistes se font sentir lorsque Richard Nixon déclare : « Je suis résolu à ce que le dollar ne soit plus jamais un otage entre les mains des spéculateurs internationaux. Il n’y a pas de raison que les États-Unis se battent avec une main attachée dans le dos ». L’annonce de la fermeture du guichet de l’or (closing of the gold window) de la Réserve fédérale (FED) représenta un choc de taille d’autant plus qu’elle n’avait nullement été préparée et qu’elle contrevenait aux règles régissant le FMI et les accords du Kennedy Round (1964-1967) conclus au sein de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Désormais le flottement est général. Et le prix de l’or s’envole, témoignant de la défiance générale à l’égard des monnaies : 50 $ l’once au début de 1972, 125 au milieu de 1973, près de 200 à la fin de 1974, en attendant de repartir vers de nouveaux sommets : 200 $ en juillet 1978, 400 en octobre 1979, 850 en janvier 1980… et près de 1 900 en 2020 !
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