L’échec cette nuit du tir du lanceur européen Vega souligne le recul de l’Europe spatiale, désormais en panne de projets fédérateurs, tandis que les États-Unis accumulent les succès tout en sachant les valoriser sur le plan médiatique.
Après l’échec du tir de la fusée Vega VV17 (T 1217)
The failure tonight of the launch of the European Vega launcher underlines the decline of space Europe, now out of unifying projects, while the United States accumulates successes while knowing how to promote them in the media.
L’Europe spatiale est en plein naufrage avec l’échec, cette nuit, du tir du lanceur Vega depuis le Centre spatial guyanais (CSG) de Kourou et le report en 2022 du premier tir d’Ariane 6. Les deux satellites emportés ont été perdus : SEOSAT-Ingenio, un satellite espagnol d’observation de la Terre au profit de l’Agence spatiale européenne (ESA) et le microsatellite Taranis (destiné à l’« étude des transferts impulsifs d’énergie qui se produisent au-dessus des orages entre l’atmosphère terrestre et le proche environnement spatial », d’où son nom du dieu celte) du Centre national des études spatiales (Cnes), développé en coopération avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
SEOSAT-Ingenio
Taranis
La fusée Vega, de conception italienne (« Vecteur européen de génération avancée » en italien), devait effectuer sa 17e mission depuis son entrée en service le 13 février 2012, avec un rythme de 2 tirs par an environ. Le 11 juillet 2019, la mission VV15 a été un échec avec la défaillance du 2e étage. Le 3 septembre 2020, VV16 a été un succès. Le tir raté – anomalie dans sa trajectoire 8 min après le décollage selon Arianespace – de cette nuit remet en question ce programme au plus mauvais moment. En effet, même si Ariane 5 reste un lanceur remarquable par sa fiabilité avec seulement 3 échecs pour 112 tirs, cette fusée est en fin de vie après un quart de siècle d’utilisation. Ariane 6 qui doit lui succéder, connaît un retard accru par la pandémie de la Covid-19 et par des problèmes techniques obligeant à repousser au deuxième trimestre 2022, le premier tir du nouveau lanceur. Cela implique également un coût supplémentaire évalué à 230 millions d’euros.
Par ailleurs, Vega devait évoluer avec la version C dont la mise en service a également glissé de décembre 2020 à juin 2021 et cela avant la déconvenue de cette nuit.
À l’inverse des États-Unis désormais seuls en tête dans la compétition et dont le second succès de Space X pour le transport des astronautes conforte sa place de leader, l’Europe spatiale, malgré la situation acquise par Ariane 4 puis 5 est en train de s’effondrer par manque d’ambition et de volonté politique, certains États-membres considérant le spatial comme secondaire ou juste comme une activité industrielle.
Les choix autour de l’architecture d’Ariane 6 restent très classiques tandis que la National Aeronautics and Space Administration (NASA) a su, sous la pression économique et les tenants du New Space, renouveler son approche de la conquête spatiale. Space X, sous la férule d’Elon Musk, a bouleversé à la fois le champ technologique avec un lanceur réutilisable, mais aussi économique avec l’appui de Washington, sans oublier quasiment la dimension philosophique très New Age.
L’Europe spatiale est désormais en panne, incapable d’avoir un projet fédérateur et qui suscite l’enthousiasme de l’opinion publique, contrairement à la NASA qui avec le retour des vols habités en totale autonomie, retrouve la ferveur de l’opinion publique américaine.
Les États-Unis, depuis le discours de John F. Kennedy du 12 septembre 1962 annonçant un homme sur la Lune, ont toujours considéré l’Espace comme une priorité, mais aussi un domaine où ils devaient assumer le leadership. Après le retrait des navettes en 2011, la dépendance au lanceur russe Soyouz a été mal vécue. Space X aujourd’hui, Boeing Spaceliner en 2021 et ensuite Orion permettent aux Américains de retrouver ce leadership, aiguillé par la Chine qui poursuit discrètement mais efficacement la construction d’une industrie astronautique de premier plan. Quant à l’Europe, elle se satisfait d’avoir un strapontin dans la Station spatiale internationale (ISS). Cette nuit, elle a beaucoup perd, sans que cela ne suscite une grande émotion. ♦