À la frontière entre les sciences sociales et la géopolitique, l'analyse d'Ilya Zarrouk revient sur l'application de la théorie de Michel Foucault de l'ordre disciplinaire à travers le prisme, historique et social, des relations entre la Tunisie et la Libye, tout en revenant sur l'histoire de la construction de l'État tunisien.
L’ordre disciplinaire de l’État illustré par la politique étrangère tunisienne en Libye (T 1304)
Côtes maritimes de la Tunisie et de la Libye (© Nasa Johnson / Flickr)
At the border between the social sciences and geopolitics, Ilya Zarrouk's analysis returns to the application of Michel Foucault's theory of the disciplinary order through the historical and social prism of the relations between Tunisia and Libya, while looking back on the history of Tunisian state building.
Michel Foucault décrit dans Les Mots et les choses (1) dans quelle mesure l’ordre du réel existe véritablement. Il démontre si un ordre de choses en tant que représentations peut déployer l’essentialité. Y a-t-il donc une classification de l’ordre ou est-ce que ce sont les pouvoirs dits disciplinaires qui produisent l’ordre et son ordre ? Foucault a écrit ces lignes sous l’impression du régime de Bourguiba, peu après l’indépendance de la Tunisie.
Bourguiba et la théorie du développement dans le cadre de la construction de l’État tunisien
En 1973, Bourguiba lui-même a écrit que l’Afrique, dans son ensemble, est un continent qui cherche son ordre légitime et que les jeunes doivent reconnaître leur place dans cet ordre (2). La Tunisie, selon Bourguiba, était depuis longtemps à la recherche de liberté et de libéralité ainsi que de souveraineté, et la mission de la jeunesse était maintenant de remplir ces éléments de souveraineté libérale avec le contenu du développement et de la progression. La réalité de ces capacités de la société tunisienne n’avait cependant pas encore été pleinement reconnue, ce qui supposait en même temps que l’ordre de la réalité politique n’avait pas non plus été suffisamment reconnu, ce qui semblait aller de pair avec la théorie de Foucault, d’autant plus que Bourguiba avait également souligné que le développement en Afrique, mais surtout pour la Tunisie, ne représentait pas une utopie. Cependant, à l’instar de Foucault, il a également indiqué très clairement que les expériences de l’histoire du développement des continents, mais aussi des États, avaient montré à plusieurs reprises que les changements et les transformations étaient toujours associés à des obstacles. Contourner ces obstacles était, au fond, l’ordre de la classification de l’État de droit, c’est-à-dire l’ordre d’un pouvoir disciplinaire afin de mettre en œuvre des changements.
Cependant, la société – et les jeunes en particulier – a besoin d’idéalisme pour le changement, mais aussi pour la réalisation des transformations. Comme Foucault, Bourguiba s’oppose également à toute forme d’extrémisme, en soulignant que toute forme de révolution – comme celle de l’indépendance des années 1950 – peut toujours conduire à des excès, comme la Révolution française ou la Révolution russe, où le règne de la terreur est né. De cette manière, un paradoxe apparaît : d’une part, la révolution ou même le soutien militaire au renversement, d’autre part, la substitution des structures à l’extrémisme. Mais c’est le pouvoir disciplinaire qui rétablit l’ordre, tant sur le plan spirituel que sentimental. Selon Bourguiba et Foucault, l’armée ainsi que l’ensemble de l’appareil sécuritaire, font partie de l’organisation de la société, du fondement de la nation et donc de la nation tunisienne. C’est pourquoi, la destruction de la sécurité, c’est-à-dire du désordre des choses, conduit également à des structures de violence. Mais c’est l’évolution de la société qui mène au progressisme.
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