Au bout de sept mois de conflit en Ukraine, et avec tout l'effort de guerre russe centré sur le territoire ukrainien, le Lieutenant Malcolm Pinel s'interroge sur les capacités du Kremlin à maintenir une présence sur d'autres théâtres d'opération, et notamment en Syrie.
Conséquences de l’invasion en Ukraine sur l’industrie d’armement et le déploiement russe en Syrie (T 1427)
© Blanche Lambert / AB Pictoris
Sept mois après le déclenchement de l’« opération militaire spéciale » (1), et malgré l’inflation du nombre d’analyses visant à identifier toutes les leçons de la guerre en Ukraine, certains aspects restent toutefois relativement occultés. Alors que les conséquences de la guerre sur le tissu industriel russe semblent critiques pour soutenir un effort de guerre dans la durée (matériels, munitions), la Russie procède dans le même temps à des ajustements sur ses dispositifs de forces déployées à l’étranger. Cet article s’attache à mettre en lumière des changements induits par le conflit pour la puissance russe dans les processus industriels de production d’armement d’une part, et à évaluer les évolutions récentes de son dispositif militaire en Syrie, d’autre part. En se gardant bien de vouloir prédire le prochain mouvement stratégique russe, il apparaît essentiel d’exposer certains freins capacitaires et ainsi de mieux appréhender les intentions de Moscou.
Conséquences sur la production d’armement
Les biais d’analyses autour de l’économie russe ont pour source principale la stratégie de communication mise en œuvre par Moscou qui met en avant quelques statistiques économiques favorables, tout en occultant soigneusement la majorité des données, quitte à remplacer le directeur de l’agence Rosstat chargée des statistiques économiques (2). Pourtant les sanctions économiques handicapent véritablement l’économie russe. En premier lieu, la fermeture de la quasi-totalité des filiales d’entreprises occidentales présentes en Russie a eu pour conséquence la perte de l’équivalent du total des investissements directs à l’étranger (IDE) des trente dernières années. Malgré la nationalisation de certaines de ces filiales, la fuite des capitaux et d’une partie des élites entrave à court terme les capacités économiques de Moscou.
De plus, les exportations russes de matières premières ont fortement diminué en volume suite à la perte des débouchés commerciaux européens (3). Les exportations vers l’Asie ne permettent pas de les compenser entièrement. À titre d’exemple, l’architecture du réseau de gazoducs russes est majoritairement tournée vers le marché européen. Une extension du réseau vers l’Asie nécessiterait des investissements de constructions importants sur plusieurs années, ce qui rend, à court terme, peu probable une réelle compensation quantitative de la perte du marché européen. Conséquences visibles dès le mois de mai 2022, les revenus totaux générés par les exportations de gaz et de pétrole sont divisés par deux par rapport à avril, d’après les propres chiffres publiés par Rosstat. Dans le secteur de l’aéronautique, l’avionneur américain Boeing a cessé ses importations de titane russe au début du conflit. Suite aux sanctions, les importations russes sont également touchées : on observe de nombreuses pénuries de pièces et de technologies qui paralysent des pans entiers de l’industrie.
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