L'auteur rend hommage à la commandante de bord Daphné Desrosiers. Véritable ambassadrice de l'aviation, elle s'était fait connaître par la publication remarquée de différents ouvrages, notamment l'un consacré à l’Escadron de transport Poitou. Elle était colonel de réserve du Réseau Ader.
In Memoriam - Daphné Desrosiers, commandant de bord : une grande dame de l’aviation nous a quittés (T 1441)
À l’annonce de sa disparition, soudaine et tragique, la stupeur a saisi la communauté aéronautique française, tous ceux qui l’ont croisée dans les meetings aériens, pilotes, journalistes, réseaux sociaux, associations de l’aérien, l’Aéroclub de France. L’aviation française est une famille et la famille est en deuil.
Ce 31 octobre, la mort a frappé à sa porte. Malheur ! Elle retrouvera les frères Wright, Louis Blériot, André Turcat, Adrienne Bolland, Amélia Earhart, Hélène Boucher, Amy Johnson, Jacqueline Auriol, Jacqueline Cochrane, Caroline Aigle. À tous les pilotes du firmament éternel ce jour-là de l’accueillir.
Daphné Desrosier, visage souriant et regard pétillant, c’est le commandant de bord qui salue le passager débarquant de son avion, le premier bonheur à destination. Mais déjà, il faut se plonger dans la check-list du prochain vol. Daphné, c’est une volonté, car l’aérien est un métier-passion, donc un métier d’exigences. Daphné a rejoint cette aristocratie à force d’un travail acharné, hors des trajectoires classiques. Un emploi d’hôtesse de l’air et un emprunt servent à financer sa formation. Un seul objectif : obtenir la licence de pilote professionnel. Inspirée par la formule de Saint-Exupéry, « Fais de ta vie un rêve et de ton rêve une réalité », sa démarche s’inscrit dans le sillage du médecin général Valérie André et du commandant Danielle Décuré, première femme pilote de ligne en 1974 à Air France. Oui ! L’aviation est un sacerdoce qui se vit comme le musicien à son instrument ou l’artisan menuisier à son établi : chaque jour remettre son ouvrage, comme si bien écrit par Saint-Ex. Notez que l’aviation a emprunté une partie de son vocabulaire aux métiers de la terre et de la mer. Ne dit-on pas sillonner le ciel ? L’aviation est son métier, exaltation du décollage et rigueur dans la maîtrise d’une machine prodigieuse. Au sol, l’envol fait rêver, et dans le ciel, l’avion relie les hommes de la Terre. Pour le commandant de bord, le cockpit n’est jamais, jamais, une routine, car ce travail toujours impose la même rigueur que lors du vol précédent. Le bon pilote est celui qui ne doit jamais se mettre dans les situations où il doit montrer ses exceptionnelles qualités de pilotage. Voici le commandant Daphné Desrosiers, ce parcours de grandeurs et de servitudes dans l’aérien, du monomoteur d’écolage en aéroclub à l’avion de ligne.
J’ai eu l’occasion de rencontrer Daphné autour d’un café, il y a un mois tout juste. Plus de deux heures, sans que l’on ait vu le temps passer. Elle m’avait raconté son parcours : 11 976 heures à son carnet de vol sur un large éventail de machines : Robin pour débuter, pilote professionnel sur Cessna « push-pull » C-337G dans l’océan Indien, puis avion régional ATR-42/72 et, enfin, la maîtrise du réacteur sur McDonnnell Douglas MD 82/83, Cessna Citation XL, et sur Boeing 737-800 Transavia avec, en responsabilité, deux cents passagers en cabine.
Daphné avait partagé son métier-passion dans des écrits où elle se fait remarquer par un vrai talent d’écriture. Son idée : faire briller les ailes françaises. Il faut lire le très beau dossier qu’elle a consacré au Transall cet été dans le Fana de l’Aviation. Daphné nous a légué plusieurs livres écrits en parallèle à son travail de pilote de ligne : Almanach de l’aviation (Éditions Place des Victoires, 2015, 240 pages), Les ailes des forces spéciales : l’Escadron de transport Poitou (Éditions Memorabilia, 2017, 120 pages), Les ailes du défi – l’aventure de l’aviation (Éditions Place des Victoires, 2015, 488 pages).
Attentive à nos enjeux de défense, Daphné Desrosiers était colonel de réserve du Réseau Ader et titulaire de la médaille de l’aéronautique.
Le parcours du commandant Desrosiers s’est achevé suite à un accident médical qui a brisé ses ailes et rêves. Daphné s’est alors reconvertie dans l’écriture, des projets plein la tête. Désormais, à chaque embarquement, à l’entrée de notre avion, nous aurons une pensée pour Daphné. ♦