Pour rendre hommage à Robert Hébras, dernier survivant du massacre d'Oradour-sur-Glane, décédé le 11 février 2023, le général Pellistrandi et le colonel Claude Franc reviennent, dans deux tribunes pour la RDN, sur différents aspects de ce tragique événement de la Seconde Guerre mondiale. Ici, le colonel Franc analyse l'implication militaire de l'armée allemande dans ce sinistre 10 juin 1944.
La réalité de l’implication de la division SS Das Reich dans le massacre d’Oradour (T 1470)
(© Alex Hudghton via Wikimedia Commons)
Le réarmement de l’Allemagne en 1955, par la mise sur pied de la Bundeswehr, a entraîné une violente réaction de propagande soviétique, alimentée par la rhétorique selon laquelle, par cette décision, l’Occident serait en train de redonner vie au militarisme allemand, mis à terre en 1945. Même si la ficelle était un peu grosse, il ne s’agissait, en fait, que de combler en partie un rapport de force conventionnel très défavorable au monde libre en Europe face à la menace soviétique. Dans les faits, le premier Inspecteur de la Bundeswehr – le rétablissement d’un poste de chef d’état-major général était interdit à l’Allemagne – était le général Heusinger, ci-devant chef du Bureau Opérations de l’OKH, en charge de la planification et de la conduite des opérations sur le front de l’Est, durant la guerre. Du pain béni pour la propagande du KGB.
Le monde atlantique a bien été forcé de trouver une parade à cette action de propagande communiste, redoutablement efficace, notamment en France et en Italie, deux pays dans lesquels l’influence du Parti était encore très forte. C’est donc à cette occasion, qu’une doxa fantasmée a été lancée et répétée, selon laquelle la Wehrmacht aurait eu les « mains propres » durant la guerre, tandis que les crimes de guerre allemands ne sont imputables qu’aux seules unités de la Waffen SS. En fait, ce clivage, tout de contre-propagande, ne résiste pas à l’analyse et, sans remonter aux crimes de guerre de la 7e Panzer, commandée par Rommel, durant la campagne de France – le massacre raciste de tirailleurs sénégalais dont l’encadrement français a tenu à partager le sort dramatique –, l’exemple du massacre d’Oradour-sur-Glane demeure emblématique de cette implication de l’armée régulière allemande, la Wehrmacht, dans les crimes de guerre, perpétrés sur un théâtre d’opérations. Dans le cadre de cette doxa, il était acquis que la responsabilité du massacre d’Oradour, dont certains exécutants ont été jugés et lourdement condamnés par la justice française en 1953, relevait d’un niveau d’exécution, celui d’un commandant de régiment, dont les nerfs avaient « craqué » face aux actions de guérilla dont son unité, remontant vers la Normandie, eut à souffrir. Cette version ne correspond à aucune réalité, il s’agissait en fait d’une action planifiée à froid, par le plus haut niveau de commandement, le commandant en chef à l’Ouest, selon la terminologie allemande de l’époque.
Fin mai 1944, en effet, le maréchal von Rundstedt, représentant emblématique de la tradition militaire prussienne puis allemande, commandant le théâtre occidental, transmet au général von Stülpnagel, qui exerce les fonctions de Militärbefehlshaber (MilBfh) in Frankreich (Commandant militaire des forces d’occupation allemandes en France) autre représentant de la vieille tradition militaire prussienne et, à ce titre, fortement impliqué dans la conjuration du 20 Juillet , ses directives relatives au maintien de l’ordre, dès lors que l’occurrence du débarquement allié en France se fait chaque jour plus prégnante. Il y spécifie que les grandes unités, en cours de remise en condition dans le Sud de la France, après une dure campagne d’hiver en Ukraine, devraient mettre sur pied des « colonnes » chargées de terroriser la population par des actions de représailles, dans les régions où les maquis se sont développés, notamment le Massif central.
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